La sculpture de Bernard Lacroix, entre Nature et Culture (samedi, 14 février 2015)

 

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Troupeau de chèvres, sculptures de Bernard Lacroix

 

 

 

 

 

Rappel :

Portraits en pied, sculptures dérobées chez Bernard Lacroix, de Jean-Claude Fert.

Exposition de peintures et sculptures de Bernard Lacroix à la galerie Fert

 

 

 

 

La matière première est issue des rebuts de la première mécanisation de l'agriculture ou de morceaux d'outils paysans aujourd'hui obsolètes. Vieux ressorts, bielles de moteur de tracteurs, manivelles, lames de faucilles...

Le bestiaire, principal sujet de ses volumes, est alors une allégorie de la vie et de l'Homme. C'est aussi une réflexion sur l'intervention perturbatrice de la machine dans le cycle naturel des travaux des champs qui au début du XXe siècle structurait encore l'ensemble de la société. Ce bestiaire semble tranquillement affirmer une certaine rémanence de l'animal sur le progrès technique. La machine redevient animale et organique en soulignant à son tour la dialectique (infernale?) entre Nature et Culture.

Si l'ensemble n'est pas dénué d'humour et d'impertinence créatrice, on aurait tort également de le ramener à cette seule qualité.La sculpture animalière de Bernard Lacroix traverse la charge symbolique que l'humain donne à l'animal.

Pour exemple, on citera la chouette représentant la sagesse, ou encore l'arbre de vie dont l'artiste rappelle l'existence de tout temps dans l'imagination des peuples : " Entre l'arbre de vie sur une broche Scythe de la Russie du VIIe siècle av. J-C. et l'arbre de vie gravé sur un plat de matefaim de la poterie de Marnaz au début du siècle dernier, 2700 ans se sont écoulés". Rajoutons quelques années pour parvenir à L'arbre de vie créé récemment par l'artiste qui perpétue cette trame archaïque :

 

 

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Arbre de vie, sculpture de Bernerd Lacroix

Matériaux ferreux mixtes soudés.

 

 

Si le bestiaire occupe une place importante, en étudiant l'ensemble de la production de l'artiste, on découvre aussi des sculptures abstraites réalisées à partir des mêmes rebuts rouillés. La rigueur de leur construction dans l'espace renvoie avec réussite aux racines de l'art moderne. Bernard Lacroix prend alors à contre-pied le regard du spectateur, qui, au-delà du sujet animal, peut alors à loisir entrevoir le jeu autonome de la matière ou des formes dans l'espace et le vide.

Jeu de la matière lorsque l'artiste laisse à voir le grain de la rouille, les traces d'anciennes peintures patinées, les entailles vives laissées par la meuleuse. Cette approche matiériste et fruste fait écho à l'arte povera (1) des années 70.

Jeu des formes lorsque l'artiste recouvre d'une peinture noire et mate ses éléments soudés, leur permettant, ainsi unifiés, de dessiner l'espace de leur contour. On imagine alors avec plaisir des correspondances avec le parcours d'un Jean Tinguely (2) et d'un Alexandre Calder.

 

 

 

Alain Livache, Catalogue de l'exposition Bernard Lacroix  au Conservatoire d'Art et d'Histoire d'Annecy, (2001) pp.10-1.

 

 

(1) Arte povera : expression italienne qui signifie "art pauvre", utilisée pour la première fois en 1967 à l'occasion d'une exposition à la galerie Bertesca de Gênes. Les œuvres que les artistes y exposent recourent à des matériaux qui sont délibérément précaires, communs et associés à un imaginaire rural et artisanal. Artistes représentatifs: Mario Merz, Gilberto Zorio, Giuseppe Penone.

(2) Jean Tinguely, né en 1925 en Suisse, fit partie du mouvement de l'art cinétique et en 1960, fut cofondateur du mouvement des "nouveaux réalistes". Il réalise des sculptures/machines à partir de récupération et dont les mouvements ne servent à rien. Il stigmatise ainsi la vacuité d'un siècle de croyance en la machine toute puissante.

 

 

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