Homélie du Père Vittet aux obsèques de Bernard Lacroix (mardi, 31 mars 2015)

 

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Vierge à l'enfant de Bernard Lacroix

Têtes de houes soudées (38×18×08)

 

 

 

 

 

Bernard, c'est beaucoup d'émotion pour moi d'être ici pour t'accompagner. Je remercie ta famille qui m'y a convié.

 

Avant de commenter l'Évangile, je voudrais te dire merci pour cette longue amitié que nous avons partagée depuis notre enfance. La guerre et ses conséquences douloureuses avaient rapproché nos familles et tissé des liens entre nous.Ces moments difficiles n'ont-ils pas développé chez toi le rêve, le désir d'évasion, l'envie d'échapper à l'emprise? Ils ont fait de toi l'Artiste. C'était la musique, les instruments, le chant, l'expression de tes sentiments, c'était le poète des "vents murieux", l'humoriste qui savait si bien décrire les personnages de nos villages. Puis le peintre s'est manifesté et je garde précieusement l'une de tes premières œuvres : le château de Buffavent. J'ai eu la chance par la suite d'être associé à tes premiers rêves d'un musée du patrimoine.

La vie et, pourquoi ne pas le dire, une vision différente de l'avenir de notre Église, nous ont séparés. Et puis un jour, la table de chez Dret nous a permis de nous retrouver. Merci à Jean-Claude et à sa famille. Par la suite ce furent les belles rencontres chez Christian et Marie-Christine avec Jean Lacroix et d'autres amis. 

Un jour, la maison de retraite de Cervens est devenue notre lieu d'échanges. Les résidents n'oublieront pas la dernière messe de Noël autour de ta magnifique crèche!

Et puis est venu ce jour récent où j'étais auprès de toi l'ami et aussi le prêtre. J'ai vu avec quelle intensité tu as confié ton avenir au Seigneur. Quelle foi! Quelle sérénité, quelle envie de vivre t'habitait! Merci, Bernard, pour notre rencontre.

 

Venons-en à l'Évangile. (1)

 

Il m'a d'abord posé des questions. Je me trouvais devant un juge souverain. D'un côté les brebis, de l'autre les chèvres, venez à moi, vous les bons, les autres allez au diable. C'est le même Jésus qui nous dit "Je ne suis pas venu pour juger mais pour que vous ayez la vie et que vous l'ayez en abondance".

Je me suis rappelé alors que j'avais fait des études sur le style apocalyptique, sur le langage codé. Il ne s'agit pas de jugement ni de condamnation mais d'un Dieu passionné de l'homme qui invite, stimule : ne vous installez pas, aimez, participez au bonheur de l'homme, de tous les hommes.

Comment pourrait-on imaginer un Dieu juge? Lui, le père de l'enfant prodigue. Celui qui dans Isaïe nous dit "Je vous aime comme un père et une mère". J'en ai vu des mamans à la prison de Bonneville serrant leur fils dans leurs bras, les embrassant, les caressant, les encourageant. Et ce même Dieu ajoute : " même si une mère oubliait son enfant, moi je ne l'oublierai jamais". Dieu ne juge aucun être humain puisque chacun de nous, à commencer par le pire, est son enfant.

Peut-on imaginer Jésus condamnant Marie-Madeleine qui pleure son passé? Jésus s'identifie à l'homme, à chaque homme, à vous, à moi. Pour lui, chaque homme est précieux. "J'ai faim, je suis immigré, je n'ai pas la même religion, la même race: et bien moi, Jésus, je suis chacun de ces hommes. Aimez moi en les aimant".

 

Alors que notre joie soit grande en pensant à l'accueil qui a été fait à Bernard, même si, comme moi, comme vous, il a eu des ratés dans sa vie.

Bernard s'est présenté avec son message d'humanité et de fraternité qu'il a su faire passer à travers ses œuvres, la formation artistique des jeunes, son humour, sa gentillesse, et aussi, j'avais oublié, les bêches, les rablais (2), les sarclorets (3) qu'il savait si bien transformer en personnages de notre temps.

Bernard, je sais que cette Porte que tu as franchie t'a ouvert à l'éblouissement, à l'éclatement de tout l'amour que tu as partagé avec Dieu et avec nous tous.

Continue de développer tes talents pour ceux qui t'entourent et surtout continue de nous accompagner sur le chemin. Merci Bernard.

 

Père Vittet

 

(1) L'Évangile: Matthieu 25, 32-46

(2) rablais ou rablè en patois: sarcloir, ratissoire

(3) sarcloret ou sarklorè en patois: serfouette

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