Bernard et Gilbert Lacroix, musiciens (lundi, 20 janvier 2020)
Bernard Lacroix au piano, Gilbert à la guitare
( Photographie: archives de la famille Lacroix)
Avant une recension de La maison, le livre bouleversant de Marie-Christine Ory-Lacroix, voici un extrait du chapitre La Salle à manger, qui évoque la passion et le talent pour la musique de ses deux frères, Bernard et Gilbert.
" Tout a commencé autour de l'harmonium, légué par notre grand-oncle curé. Il en possédait deux : un énorme qui se trouve à l'église du village, en haut, sur les loges, et un petit, resté chez nous pour la plus grande joie de Bernard. Personne ne l'a jamais entendu faire des gammes, des exercices ou des répétitions lancinantes d'une même mélodie. Il a tout de suite su jouer, comme ça. Il a la musique infuse. Quand il se lève le matin, avant toute chose, avant même le déjeuner, il se précipite sur l'instrument pour mettre en pratique un air, ou une variante de celui-ci, ou une harmonisation qu'il a mûrie pendant la nuit. Il a douze ans. Ses pieds touchent à peine les pédales. Ils appuient, relâchent, appuient, relâchent tour à tour, à toute vitesse. En même temps, ses mains, tout en jouant, manipulent les tirettes au-dessus du clavier. Elles s'appellent : basson, hautbois, musette, ou plus étrangement : forte, plein jeu, tremblant. Ce dernier jeu fait chevroter le son de manière amusante.
Le vieil instrument, bousculé dans ses habitudes, tousse, souffle et crache ; mais ce qui en sort est proprement renversant : sambas, rumbas, be-bop, valses musettes se succèdent sans ordre... Si l'oncle de Saint-Pierre entendait ça! Et Bernard secoue en mesure les boucles blondes qui lui tombent dans les yeux. Il me fait penser à Julie et à sa machine à coudre. Tous les deux sont des virtuoses dans leur genre. Mais mon frère est tout jeune encore, et la musique est la musique! Plus tard, je le verrai se servir aussi d'un accordéon. Quant à Gilbert, il joue de la guitare et chante d'une belle voix de baryton. Il acquerra même une sorte de célébrité locale qui lui permettra d'assurer la première partie du tour de chant de Gilbert Bécaud au casino d'Évian.
L'idée de constituer un orchestre leur vient donc naturellement à l'esprit. Une énorme contrebasse, des centaines de partitions, des pupitres marqués Fantasia, du nom du groupe, viennent désormais encombrer la salle à manger. Lorsqu'on accepte de les embaucher pour la soirée, ils dansent de joie et se mettent en vitesse à répéter : C'est la samba brésilienne, José le Caravanier, Rossignol de mes amours, Matilda, Old man river, etc.
Marie-Christine Ory Lacroix.
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