A propos de l'art populaire (lundi, 20 octobre 2014)
Chauffeuse. Collection Bernard Lacroix.
Bois gravé et assemblé, XXème siècle (1)
Rappel :
Rencontre avec deux collectionneurs, Bernard Lacroix et Jean-Marc Jacquier
Le projet européen Traditions actuelles
Jean-Marc Jacquier et les "musiques vertes"
Nous publions ici l'avant-propos de Jean Guibal au catalogue de l'exposition La fabrique du quotidien, art populaire alpin qui s'est tenue en 2011 à la Châtaignière-Rovorée, près d'Yvoire. Ce texte invite à une réflexion sur les cultures traditionnelles et sur la notion d'art populaire. L'association Les amis de Bernard Lacroix entend bien mener cette réflexion. Au fil des mois à venir, nous publierons d'autres articles sur ces questions.
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En notre siècle de "patrimonialisation", rien n'est plus nécessaire que la lucidité et le recul pour conduire des collectes, constituer des collections publiques, traduire en direction des publics les interrogations que soulève cette attention ( que l'on dit excessive) que nous portons au passé. Il ne s'agit pas en effet de rassembler des objets fétiches, ni d'idéaliser les périodes qui nous ont précédés : peu d'entre elles seraient enviables pour le commun de nos contemporains. Il ne s'agit pas non plus de valoriser des cultures par rapport à d'autres, a fortiori de les comparer ou de les opposer (le risque n'est jamais loin de réveiller les identités locales quelque peu... agressives).
Il faut plutôt considérer, très modestement, que le patrimoine se définit d'abord par le regard que l'on porte sur ces témoignages qui demeurent des périodes passées – témoignages qui nous sont parvenus au prix d'une sélection "naturelle" pour le moins aléatoire. La question se pose pour tous les patrimoines ; mais de façon plus sensible encore pour le patrimoine dit "populaire". Celui-ci, pour trouver sa juste place dans les politiques culturelles doit constamment revendiquer sa légitimité ( ce pourquoi il a tant besoin d'une référence à l'art!) , quand les patrimoines artistique, monumental ou archéologique sont par définition légitimes. La disparition du Musée national des Arts et Traditions Populaires, le transfert des collections du Musée de l'Homme vers un musée d'art (du Quai Branly), la fermeture du Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie, sont autant d'exemples pour confirmer cette discrimination, toute française.
Fort heureusement, des collectivités territoriales ont construit ou acquis de longue date des collections ethnographiques et conduisent des politiques de valorisation actives : les musées en région constituent un réseau d'une rare efficacité pour rendre compte de la diversité culturelle dont est constituée la nation française.
En Haute-Savoie, les collections Lacroix et Jacquier – tous les amateurs attendent de cette dernière sa section la plus rare, consacrée à l'ethnomusicologie, en cours d'inventaire – forment une part importante du legs que les sociétés alpines nous ont transmis ; Grenoble avec Müller, Genève avec Amoudruz, Aoste avec Cerise et Brocherel, etc. ont à gérer semblable héritage.
Dès lors, les interrogations que proposent les concepteurs de l'exposition que prolonge le présent ouvrage viennent parfaire ce regard porté sur les cultures traditionnelles alpines. Nul objet, si significatif ou symbolique soit-il, ne peut prétendre rendre compte d'un fait social ; du moins peut-on l'interroger, ou s'interroger sur ses fonctions, ses usages, ses significations, et ainsi approcher les savoir-faire, les goûts, les intérêts et quelquefois jusqu'aux valeurs profondes des hommes et des femmes qui les ont créés et utilisés. Cette exposition s'y emploie, sous un regard tout à la fois novateur et sensible, éclairant cet "ordinaire hors du commun" qui constitue, à travers les Alpes, notre patrimoine collectif.
Jean Guibal
Conservateur en chef du patrimoine.
Musée dauphinois, Grenoble
Catalogue de l'exposition La fabrique du quotidien, art populaire alpin (2011) p.2
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(1) Chauffeuse figurant dans l'exposition La fabrique du quotidien. Ce siège bas, destiné au travaux des femmes près du foyer, se rapporte au type de "chaise-selle" spécifique au Chablais. Elle est décorée d'une demi-rouelle et d'une demi-rosace, ainsi que de dents de loup.
Quelques autres objets de la collection Bernard Lacroix figurant dans l'exposition :
Canne de berger. Bois sculpté, gravé et doré, XXème siècle.
Ornée des 14 stations du chemin de croix, cette canne aurait été sculptée dans la région de Morzine. Initiée par un berger et continuée par ses descendants, elle a finalement été confiée à Bernard Lacroix.
Joug de procession. Bois sculpté polychrome. XXème siècle?
Le joug double était utilisé pour atteler des bœufs. En Savoie, le joug des cornes (placé sur la nuque, derrière les cornes) était souvent couplé avec un joug de garrot. Celui-ci devait être porté par les plus belles bêtes les jours de fête et de procession.
Égouttoir à vaisselle et cuillères. Bois assemblé et sculpté. XIXème siècle?
Les cuillères en bois sont les ustensiles les plus modestes.Les Baujous (habitants des Bauges) avaient acquis une certaine réputation dans la fabrication de vaisselles et couverts en bois, donnant ainsi naissance à l'expression "l'argenterie des Bauges".
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