Le motif du papillon dans quatre poèmes de Bernard Lacroix (jeudi, 05 mars 2015)

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Hokusai, Pivoines et papillon

 

 

 

 

 

Le motif du papillon revient dans quatre poèmes de Bernard Lacroix :

 

Le papillon (Petites choses d'hiver)

Le papillon (L'herbier du temps)

Papillon de nuit (L'herbier du temps)

La lumière (Reflets oubliés)

 

 

 

 Ce motif est très ancien, il apparaît dans les enluminures médiévales du IXe au XVe siècle, on le trouve, par exemple,  dans ce Livre d'heures où il est associé à des fleurs et à des fruits :

 

 

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Livre d'Heures d'Hastings, vers 1470

 

 

Á la même époque, il figure en ornement et toile de fond des portraits, ainsi dans ce célèbre tableau qu'on peut voir au musée du Louvre :

 

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Pisanello, Portrait d'une princesse de la maison d'Este (XVe siècle)

 

 

Au XVIIe siècle, le motif du papillon est omniprésent dans les natures mortes de la peinture européenne, en particulier dans les peintures flamande et hollandaise. Il est souvent  associé au thème des Vanités, ces natures mortes de l'art baroque qui évoquent la fuite du temps, le memento mori : flammes de bougies, clepsydres, sabliers, crânes humains, livres écornés, fleurs fanées, rappellent à l'homme qu'il est mortel et qu'il doit penser à son Salut. Il apparaît aussi  dans des natures mortes purement ornementales, tel ce bouquet de fleurs d'un peintre flamand :

 

 

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Philips de Marlier, Nature morte, 1640.

 

 

 

 Comme on le voit à travers ces exemples, le papillon n'est jamais représenté dans la nature. Bien qu'il soit figuré de façon réaliste,  c'est un motif qui appartient à la symbolique chrétienne : il symbolise l'éphémère, la fuite du temps, mais aussi et surtout la destinée de l'âme et la résurrection.

 

*

 

En revanche, dans les quatre poèmes de Bernard Lacroix, le papillon est d'abord représenté dans la nature. D'un poème à l'autre, le regard passe de l'observation à la contemplation et de la contemplation à la symbolique.

Dans le poème Le papillon qui  ouvre le recueil le plus ancien, Petites choses d'hiver,  le poète capte la légèreté et la grâce du papillon à travers la personnification des blés :

 

"Heureux le papillon

Dont la seule besogne

Est de se poser sur le cou frêle des moissons".

 

Dans L'herbier du temps, le rythme du poème et le lexique de l'inconstance tracent les courbes elliptiques du vol du papillon :

 

"Partagé entre le jour et la nuit,

Indécis, inconstant, instable...

[...]

Hésitant sans cesse contre la mort et la vie"

 

Le papillon nous apparaît comme une merveille de la nature, une créature libérée de la pesanteur qui accable l'humanité :

 

" Il ne connaît des saisons que le soleil,

Des fleurs que le parfum,

De la vie que l'amour."

 

Mais sa vie est éphémère, son apparition aussi brève que la belle saison, fugace comme le bonheur et l'amour, c'est pourquoi il a trouvé sa place parmi les Vanités, symbole de la fuite du temps :

 

" Laissez le fillettes bleues,

Laissez le vivre sa chance :

Une joie passe,

Un sourire s'envole,

Un été s'en va..."

 

Dès lors, s'identifiant au papillon, le poète réactive la symbolique chrétienne : le papillon devient le symbole de l'âme en quête de la lumière divine, de la vie éternelle.

Au motif du papillon diurne, voletant heureux et libre sur les blés et les fleurs, se substitue celui du papillon nocturne, symbole de l'âme humaine, fragile et vulnérable, l'un de ceux qu'on retrouve

"Collés à la fenêtre au petit matin,

Tués par cette autre vie qu'ils ont tant cherchée"

 

En peu de mots, le poète dit la difficulté du combat spirituel, "aussi brutal que la bataille d'hommes" comme l'écrivait Arthur Rimbaud. Combat où le papillon de nuit n'a aucune chance, lui qui meurt d'approcher la lumière et la cherche pourtant, combat qui épuise l'homme :

 

" Papillon de nuit,

Je cherche désespérément la lumière

Et puis, quand elle est là,

Trop fatigué pour la prendre,

Je m'endors."

 

Bernard Lacroix pénètre au plus profond du mystère de la foi. L'âme de l'homme désire la lumière divine comme le papillon de nuit désire la lumière :

 

"Je voudrais mourir d'éblouissement

Comme ces papillons"

 

Si ce désir paraît une folie dans notre société occidentale matérialiste, il témoigne pourtant de la liberté de l'homme qu'une vie vouée aux biens matériels ne comble pas. L'homme est libre de chercher et d'aimer Dieu, de Le chercher au risque de se perdre, comme nous le rappellent aujourd'hui les chrétiens d'Orient qui choisissent l'exil ou le martyre plutôt que de renoncer à leur foi. 

La beauté du papillon, célébrée par les peintres et les poètes, porte l'Espérance de la vie éternelle, symbole de l'âme humaine que la barbarie totalitaire ne pourra jamais anéantir.

 

 

Élisabeth Bart-Mermin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

18:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : symbolisme du papillon, hokusaï, livre d'heures d'hastings, pisanello, philips de marlier, arthur rimbaud, chrétiens d'orient |  Imprimer |