Le cochon (samedi, 12 décembre 2015)

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Croquis de Bernard Lacroix, extrait de Croquis minute

 

 

 

 

En Savoie, c'est presque un sacrifice rituel que celui du cochon. La bonne période est de novembre à février, autour des Fêtes. On a retenu pour le grand jour une bête qui pèse entre cent et cent-cinquante kilos et le charcutier, bien sûr, un paysan qui fait ça pour mettre un peu de beurres dans les épinards.

 

La veille, on a acheté les épices et les ingrédients nécessaires à la fabrication de la charcuterie et à la conservation de la viande : poivre en grains, sel, salpêtre, oignons, ail, laurier, thym, cumin, marjolaine, noix muscade, cannelle...

 

De bonne heure, on a mis l'eau à chauffer dans la grande chaudière de fonte. Elle servira à ébouillanter le porc dans le "vassé" pour mieux le raser, pour nettoyer les abats sanguinolents, les boyaux qui serviront à la confection des boudins, des saucisses. Les voisins viendront aider à maîtriser le pauvre animal qui, après avoir été assommé à l'aide d'une hache ou d'un merlin, sera saigné bien vivant, mais sûrement pas sans peine. Le sang est recueilli dans un seau et brassé vigoureusement pour éviter qu'il se coagule. Avec le sang on fera les boudins, préparation délicate, un tant soit peu coûteuse car le boudin savoyard se fait avec du beurre et de la crème.

 

Une fois soigneusement pelé, le cochon est retiré du "vassé" et étendu à plat sur une échelle. On retire les abats, on nettoie proprement l'intérieur de l'animal puis on le laisse tranquillement égoutter, l'échelle redressée cette fois-ci contre le mur de la ferme.

 

Saucisses, boudins, atriaux ( pâtés d'abats) sont assaisonnés au goût du charcutier, ce qui fait dire parfois, quand ils sont trop épicés, que ce dernier a un tant soit peu "caressé la chopine". Á la fin de la journée, il ne sait plus très bien où il en est. J'en ai connus qui étaient saouls avant de commencer leur journée, ce qui donnait lieu à des péripéties qui alimentaient la chronique hivernale : combien de gorets se sont sauvés à moitié saignés, combien d'autres se sont réveillés au contact de l'eau chaude. On disait d'un charcutier peu adroit que son cochon criait encore quand il hachait la viande à saucisse.

 

La coutume était de porter aux voisins et au curé, un petit rôti, quelques boudins et atriaux. Les voisins ne manquaient pas d'en faire autant à leur tour, ce qui fait qu'en hiver, on avait toujours une petite réserve de charcuterie fraîche dans un coin. Le dimanche qui suivait, on invitait les amis et la famille pour un grand banquet : le dîner du cochon. Á vrai dire, après les politesses et le repas de fête, il ne restait plus grand chose de la cochonnaille. Heureux temps où les gens aimaient partager, passer de bons moments ensemble !

 

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°3 

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