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mercredi, 11 novembre 2015

Le petit Louis

 

guerre 14-18,poilus savoyards

Image  Les amis du Val de Thônes

 

 

 

En ce jour du 11 novembre qui commémore l'armistice de la Grande Guerre, remise en une de ce texte de Bernard Lacroix, publié une première fois  le 1er août 2014.

 

 

 

 

 

Il y a cent ans aujourd'hui, le 1er août 1914, à 4 heures de l'après-midi, tous les clochers de France ont sonné le tocsin pour annoncer la mobilisation générale. C'était l'entrée dans la première guerre mondiale. Après Y van v'ni, ce récit de Bernard Lacroix nous rappelle ce qu'ont vécu des êtres de chair et de sang, dont les plus savantes études historiques ne sauraient rendre compte.

 

 

*

 

Ils étaient trois garçons du bout du village, Pierre, Jacques et Louis. Les deux premiers grands, beaux et forts, le dernier tout petit, tout chétif, tout rabougri... Mais la guerre qui n'est pas regardante les appela tous les trois. Inutile de vous faire deviner ce qu'il advint : un soir de l'hiver 1918, le petit Louis frappa à la porte du pauvre logis :

 

– Qui est là? cria la mère depuis son lit.

– C'est ton fils Louis qui revient de la guerre!

– Tout seul?

– Oui!

 

La pauvre femme, dans sa simplicité, comprit tout de suite que les deux autres ne reviendraient jamais. Elle mit un pot de cidre avec un quignon de pain sur la table et retourna se coucher. Quand il racontait l'histoire, le petit Louis croyait bon d'ajouter avec un drôle de sourire, comme s'il voulait l'excuser :

 

– Elle est restée couchée huit jours!

 

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°10

jeudi, 17 juillet 2014

Y van v'ni!

 

poilus savoyards,guerre 14-18

Photographie Histoire Passy Mont-Blanc

 

 

 

 

Ses jambes ne pouvant plus le porter, le vieux Dian se faisait conduire à son fauteuil près de sa fenêtre où il pouvait apercevoir, au bout de la cour, le départ du chemin qui menait à la vallée.

 

" Tu ne peux pas changer de fenêtre, lui proposait sa fille, tu regardes toujours la même chose!

– Non, je veux rester là, i van v'ni*!"

Cela dura quatre ou cinq ans.

 

Un dimanche après-midi d'hiver, alors que la neige tombait drue, sa fille remarqua que le vieillard faisait toutes sortes d'efforts, remuait la tête dans tous les sens, comme si les flocons l'empêchaient de mieux voir. Elle le vit soudain se dresser sur ses jambes, se retourner de son côté en criant: " Ça y est, ils sont là, les voilà!". Puis il s'affaissa lourdement. Quand elle s'approcha, elle comprit qu'il venait de mourir.

 

C'est seulement longtemps après, m'expliquait-elle, que je crois comprendre ; pendant sa jeunesse, les garçons des hameaux voisins venaient le chercher le dimanche après-midi pour courir les filles, boire et s'amuser dans les cafés du village. La guerre 14-18 les faucha tous, sauf mon père. C'est donc bien eux qu'il attendit si longtemps et même si l'on peut mettre son comportement sur le compte de son grand âge, il a du voir quelque chose à l'entrée du sentier, on ne meurt pas comme ça!

 

On peut imaginer qu'ils étaient tous là pour l'ultime rendez-vous, agitant les bras avec de grands sourires. Plus de soixante-dix ans plus tard, la petite troupe d'amis se retrouvait au complet.

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°3

 

 

* Y van v'ni : Ils vont venir!