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vendredi, 18 septembre 2020

Pose d'une plaque commémorative à l'entrée de l'atelier de Bernard Lacroix (Musée de Fessy)

 

Mardi 15 septembre 2020
Cette après-midi, nous avons posé, selon la volonté de Jean-Michel, une plaque commémorative à l'entrée de l'atelier de Bernard au Musée.
 
Cette plaque a été commandée et expédiée par Véronica Connors-Lacroix et Anne-Françoise Lacroix. Elle sera inaugurée lors de la prochaine assemblée générale de l'Association des Amis de Bernard Lacroix.
 
Un grand merci aux personnes qui ont pu être présentes aujourd'hui. Un remerciement particulier pour François Lacroix, notre cousin de Perrignier, qui a réalisé la pose avec le soin et la technicité qu'on lui connaît.
 
Nous nous sommes retrouvés ensuite dans le jardin de La Maisonnette pour un verre de l'amitié pris sous l'ombrage des pruniers et des cerisiers.
 
Belle après-midi d'autant plus riche en émotion que ce jour est le jour anniversaire de la naissance de Jean-Michel.
 
Bien à vous.
Jacques Lacroix

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lundi, 31 octobre 2016

A Jean-Michel Lacroix

jean-michel lacroix

Photographie de Jean-Michel Lacroix

 

 

 

 

Rappel:

 

La Toussaint

Nos morts

Sylvie

Toussaint 2015

 

 

 

Cher Jean-Michel,

 

Il y a quelques jours encore, tu lisais ce blog que tu as créé en 2011 avec Marie-Paule Dimet-Mermin, consacré à l'œuvre de ton oncle et parrain, Bernard Lacroix. Dans ton dernier courriel, daté du 7 octobre 2016, tu m'écrivais que tu avais aimé cette note . J'ignore si tu as eu le temps de lire Le Cyprès  de Gustave Thibon publié cinq jours avant ta mort. Rétrospectivement, ces mots prennent un éclat inattendu. "Offrande du soir", offrande pour la Toussaint, ce poème nous relie à toi au-delà de l'absence.

 

 

 

 

jean-michel lacroixAnimé par la force de l'Espérance, tu as fait face à la maladie avec un courage, une élégance qui forçaient l'admiration. Le monde actuel occulte la mort parce qu'il la craint. Toi, tu ne la craignais pas, tu ne l'occultais pas.

Tu auras emprunté bien des chemins de traverse, surmonté bien des obstacles et des peines, vécu plusieurs vies. Tu as été géomètre, puis paysan éleveur de chèvres, fondateur de La ferme des enfants, à Fessy, entreprise qui donnait la possibilité aux enfants des villes de retrouver, à travers l'ancestral métier d'éleveur, le lien charnel avec la nature que notre monde a perdu. Ensuite, tu as été tailleur de pierres, tu as contribué à la restauration de Kilcoe Castle, un magnifique château médiéval irlandais, propriété de l'acteur Jeremy Irons , puis apiculteur, enseignant d'anglais...

Au fil de ce parcours mouvementé, tu es resté fidèle à tes racines. Enfant, tu vivais à Lyon où travaillait ton père, mais tu passais tes vacances à Fessy. Le Chablais des années 50 et 60 n'était pas encore la zone de tourisme industriel ni le réservoir de travailleurs frontaliers qu'il est devenu, et pouvait ressembler au paradis terrestre. L'eau du Foron était pure, les champs et les bois étaient un terrain de découvertes et d'aventures pour toi qui capturais à la main les truites, les grenouilles et les couleuvres. Nul doute que le paradis de l'enfance ait contribué à forger ta conscience de la détérioration − pour ne pas dire du massacre − de la nature et de la beauté, sans attendre que l'écologie soit à la mode.

 

 

 

Tu es toujours resté très proche de ton parrain Bernard Lacroix. Pendant des années, avec ta grand-mère Marie Lacroix-Vernet et ton frère Jacques, tu as assumé la charge de guide bénévole au musée de Fessy. Tous les trois, vous connaissiez par cœur la collection Lacroix. Tu as aussi aidé Bernard à réaliser certaines sculptures. Tu as écrit les commentaires du recueil Croquis Minute.

À partir de 2010, quand la santé de Bernard a décliné, tu as mis toute ton énergie au service du rayonnement et de la pérennité de son œuvre. Tu as créé ce blog, réactivé l'ancienne association Les Amis du musée de Fessy, renommée en 2014 Amis de Bernard Lacroix, dont tu devins le président. Héritier de Bernard avec ta sœur Anne-Françoise, tu as eu la lourde charge de régler sa succession alors que tu étais déjà malade.

 

Cher Jean-Michel, en ces 1er et 2 novembre, fête de la Toussaint et jour des morts, nous te saluons avec affection, dans l'Espérance. L'association Les Amis de Bernard Lacroix continuera ce que tu as commencé avec elle.

 

 

Élisabeth Bart-Mermin

 

 

 

 

 

 

mercredi, 19 octobre 2016

Décès de Jean-Michel Lacroix

jean-michel lacroix

L'église de Rimons dans la brume matinale, photographie de Jean-Michel Lacroix

 

 

 

 

 

L'association Les Amis de Bernard Lacroix a l'immense tristesse de vous faire part du décès de son président

 

Jean-Michel Lacroix

 

survenu lundi 17 octobre, à l'âge de 61 ans, des suites d'une longue maladie.

Ses obsèques auront lieu dans son village d'adoption, Rimons, en Gironde, ce vendredi 21 octobre 2016.

 

 

Neveu et filleul de Bernard Lacroix, Jean-Michel avait fondé ce blog en 2011, réactivé l'ancienne association Les Amis du musée de Fessy sous le nom de notre association actuelle dont il était le président.

Nous lui rendrons hommage dans de prochaines notes sur ce blog.

Nos plus affectueuses pensées et nos prières vont à sa famille et à ses proches.

vendredi, 18 mars 2016

A Bernard

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Bernard Lacroix dans les années 50.

(Photographie: archives de la famille Lacroix)

 

 

 

 

Le 18 mars 2015, Bernard Lacroix nous quittait. Pour le premier anniversaire de son entrée dans une autre vie, ce bel hommage.

 

 

 

Au bout de ses poèmes,

il y avait la terre.

 

Au bout de sa musique,

il y avait la joie.

 

Au bout de ses pinceaux,

il y avait les saisons.

 

Au bout de son enclume,

il y avait les paysans.

 

Au bout de sa vie d'homme,

il y avait l'humour.

 

Au bout de son cœur,

il y avait l'amour.

 

Alors,

un jour de printemps,

il y eut : Dieu!...

 

 

Marie-Thérèse Deruaz (mars 2015)

 

 

 

dimanche, 01 novembre 2015

Toussaint 2015

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Photographie de Juan Asensio

 

 

 

 

Rappel :

Nos morts

La Toussaint

Sylvie

*

 

 "Mes morts sont vivants"

Bernard Lacroix, Nos morts

 

 

C'est devenu une coutume, sur ce blog, de célébrer à notre manière la Toussaint, fête du souvenir et de l'espérance. Depuis le VIIIe siècle, la Toussaint est si étroitement liée à la fête des morts du 2 novembre que nous leur rendons visite, au cimetière, chaque 1er novembre. Aujourd'hui, c'est une Toussaint particulière pour nous puisque pour la première fois, nous honorons la mémoire de nos amis partis cette année, Bernard Lacroix et son cousin Joseph.

Si dans un poème de jeunesse Bernard considérait la visite au cimetière comme la suprême preuve d'amour, il écrira plus tard, dans Nos morts, son refus de cette coutume. Pour lui, les morts sont vivants. " Je ne visite pas les morts", écrit-il, " comme si je voulais conserver dans ma mémoire des yeux ouverts et des bouches frémissantes de mots". Il semble qu'à ses yeux, la tombe matérialise l'absence, obture la mémoire. Il préfère évoquer "le  simple dialogue d'une vie toute simple qui me revient à tous moments. Une ombre fugitive, un souffle, un murmure, un bruit..."

Pourtant, certains entretiennent ce dialogue au cimetière. Pour ceux-là, la tombe ne dissimule pas un squelette, elle est la demeure qui abrite l'être qu'ils chérissent toujours. Bernard n'écrit-il pas lui-même, dans Nos morts, que le cimetière est un "deuxième village" ? N'est-ce pas le lieu où, le jour de la Toussaint, familles et amis se retrouvent unis dans l'espérance?

En fait, Bernard accordait plus de valeur aux mots qu'à une visite au cimetière. Ses morts sont vivants parce qu'il se souvient de conversations au café Dret, insignifiantes sur le moment, qui résonnent toujours en lui. Qui sait pourquoi on se rappelle de tel instant, de telle conversation? Comme la photographie, la tombe est un vestige figé si la parole ne l'anime du feu de l'amour.

Bernard n'a pas de tombe. Il a choisi de redevenir poussière, se rappelant peut-être de l'ancien rite du Mercredi des Cendres : " souviens toi que tu es poussière et que tu redeviendras poussière". Il est vivant dans le cœur de ceux qui l'ont connu, avec ses mots d'humour et d'amour, les instants de bonheur ou de douleur vécus ensemble, et dans le cœur de ceux qui le découvrent à travers son œuvre. 

 

 

Élisabeth Bart-Mermin

 

 

 

 

 

 

mardi, 31 mars 2015

Homélie du Père Vittet aux obsèques de Bernard Lacroix

 

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Vierge à l'enfant de Bernard Lacroix

Têtes de houes soudées (38×18×08)

 

 

 

 

 

Bernard, c'est beaucoup d'émotion pour moi d'être ici pour t'accompagner. Je remercie ta famille qui m'y a convié.

 

Avant de commenter l'Évangile, je voudrais te dire merci pour cette longue amitié que nous avons partagée depuis notre enfance. La guerre et ses conséquences douloureuses avaient rapproché nos familles et tissé des liens entre nous.Ces moments difficiles n'ont-ils pas développé chez toi le rêve, le désir d'évasion, l'envie d'échapper à l'emprise? Ils ont fait de toi l'Artiste. C'était la musique, les instruments, le chant, l'expression de tes sentiments, c'était le poète des "vents murieux", l'humoriste qui savait si bien décrire les personnages de nos villages. Puis le peintre s'est manifesté et je garde précieusement l'une de tes premières œuvres : le château de Buffavent. J'ai eu la chance par la suite d'être associé à tes premiers rêves d'un musée du patrimoine.

La vie et, pourquoi ne pas le dire, une vision différente de l'avenir de notre Église, nous ont séparés. Et puis un jour, la table de chez Dret nous a permis de nous retrouver. Merci à Jean-Claude et à sa famille. Par la suite ce furent les belles rencontres chez Christian et Marie-Christine avec Jean Lacroix et d'autres amis. 

Un jour, la maison de retraite de Cervens est devenue notre lieu d'échanges. Les résidents n'oublieront pas la dernière messe de Noël autour de ta magnifique crèche!

Et puis est venu ce jour récent où j'étais auprès de toi l'ami et aussi le prêtre. J'ai vu avec quelle intensité tu as confié ton avenir au Seigneur. Quelle foi! Quelle sérénité, quelle envie de vivre t'habitait! Merci, Bernard, pour notre rencontre.

 

Venons-en à l'Évangile. (1)

 

Il m'a d'abord posé des questions. Je me trouvais devant un juge souverain. D'un côté les brebis, de l'autre les chèvres, venez à moi, vous les bons, les autres allez au diable. C'est le même Jésus qui nous dit "Je ne suis pas venu pour juger mais pour que vous ayez la vie et que vous l'ayez en abondance".

Je me suis rappelé alors que j'avais fait des études sur le style apocalyptique, sur le langage codé. Il ne s'agit pas de jugement ni de condamnation mais d'un Dieu passionné de l'homme qui invite, stimule : ne vous installez pas, aimez, participez au bonheur de l'homme, de tous les hommes.

Comment pourrait-on imaginer un Dieu juge? Lui, le père de l'enfant prodigue. Celui qui dans Isaïe nous dit "Je vous aime comme un père et une mère". J'en ai vu des mamans à la prison de Bonneville serrant leur fils dans leurs bras, les embrassant, les caressant, les encourageant. Et ce même Dieu ajoute : " même si une mère oubliait son enfant, moi je ne l'oublierai jamais". Dieu ne juge aucun être humain puisque chacun de nous, à commencer par le pire, est son enfant.

Peut-on imaginer Jésus condamnant Marie-Madeleine qui pleure son passé? Jésus s'identifie à l'homme, à chaque homme, à vous, à moi. Pour lui, chaque homme est précieux. "J'ai faim, je suis immigré, je n'ai pas la même religion, la même race: et bien moi, Jésus, je suis chacun de ces hommes. Aimez moi en les aimant".

 

Alors que notre joie soit grande en pensant à l'accueil qui a été fait à Bernard, même si, comme moi, comme vous, il a eu des ratés dans sa vie.

Bernard s'est présenté avec son message d'humanité et de fraternité qu'il a su faire passer à travers ses œuvres, la formation artistique des jeunes, son humour, sa gentillesse, et aussi, j'avais oublié, les bêches, les rablais (2), les sarclorets (3) qu'il savait si bien transformer en personnages de notre temps.

Bernard, je sais que cette Porte que tu as franchie t'a ouvert à l'éblouissement, à l'éclatement de tout l'amour que tu as partagé avec Dieu et avec nous tous.

Continue de développer tes talents pour ceux qui t'entourent et surtout continue de nous accompagner sur le chemin. Merci Bernard.

 

Père Vittet

 

(1) L'Évangile: Matthieu 25, 32-46

(2) rablais ou rablè en patois: sarcloir, ratissoire

(3) sarcloret ou sarklorè en patois: serfouette

samedi, 28 mars 2015

Allocution de Jean-Claude Fert aux obsèques de Bernard Lacroix

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L'arbre blanc, huile sur carton (32×23) de Bernard Lacroix

 

 

 

 

Bernard Lacroix est donc mort lucide dans la tombée du soir.

 

Il est mort à l'aube du printemps, bien qu'il eût sans doute souhaité, lui, le chrétien, mourir un peu plus tard, pendant un de ces jours de la Passion, qui avait fait dire trente ans avant à Jacques Miguet alors agonisant, que souffrir et mourir à cette époque était un honneur...

 

J'ai connu Bernard au début des années soixante, dans son musée naissant. Il était encore le paysan-poète que, dans le fond, il n'a jamais cessé d'être. Il publiait déjà ses poèmes, enrichissait jour après jour son musée, conscient que, s'il ne le faisait pas, personne ne le ferait à sa place, ou alors le ferait trop tard. Il jouait du piano, dessinait merveilleusement et peignait, quand il le pouvait, tout en continuant à s'occuper de ses arbres et de cette terre dont il était bâti. Il se mettra assez rapidement à la sculpture, ou plutôt à la récupération et à la réutilisation de tous les objets délaissés de ce monde paysan dont l'usage était devenu obsolète, pour leur redonner une seconde vie, faisant là aussi, patiemment, œuvre de sauvegarde. Rien de ce monde agricole, alors réduit dans son village comme ailleurs, à une survie illusoire, ne devait disparaître... Tout devait être conservé ou métamorphosé. Merveilleuse et ironique revanche, par la grâce de cet homme, de ces outils séculaires condamnés ailleurs à l'abandon et au mépris. Un monde millénaire s'écroulait sous ses yeux? Qu'importe, il allait en transcender la dépouille! Ce devoir de mémoire qu'il s'infligea jusqu'à l'épuisement le verra donc immortaliser des milliers d'objets d'un quotidien condamné, constituant, avec une patience et une fièvre indispensables, une collection sans équivalent. Il procédait aussi en cela à légitimer et à conforter l'œuvre de cet autre homme exceptionnel, auquel il vouait admiration et respect :

Jacques Miguet, qui avait entrepris une action culturelle hors normes dans ce qui était encore un coin de la campagne française, d'abord au cœur de Douvaine puis dans ces "granges de l'esprit" qui continuent, grâce à une poignée de veilleurs, à éclairer des étés qui en ont bien besoin. Jacques Miguet, médecin à la culture universelle, pour qui Bernard écrira cet émouvant poème posthume, Le Berger, et dont il défendra avec vigueur les choix dans tous les domaines de l'esprit.

 

Très vite la renommée de Bernard dépassa son village où nous sommes aujourd'hui rassemblés. Cet homme de goût s'éprit alors de Nernier , petit joyau, où il eut l'opportunité d'acquérir l'ancienne fruitière qu'il restaura avec ferveur et respect, la transformant en ce qui allait devenir le Musée du lac où il accueillit pendant de nombreuses années des artistes confirmés ou en devenir. Nernier où les soirs d'été n'en finissaient plus, donnant au village des airs de Saint-Paul-de-Vence mais où le vin blanc frais, servi sous les tonnelles, pouvait s'avérer, à la longue, d'une efficace et redoutable traîtrise...

 

Bernard était musicien. Pas seulement l'organiste du couvent de La Visitation — que d'admiratrices à son corps défendant! — mais il était aussi un pianiste talentueux. Je me souviens des soirées d'été de la fin des années soixante où il avait installé son piano dans la salle en pierre de ce qui n'était pas encore la galerie dans laquelle il nous fit l'honneur d'exposer, et je me souviens que le public lui demandait de jouer les morceaux les plus divers et les plus invraisemblables, il connaissait tout. Il jouait tout.

 

Bernard était un conteur.Un conteur inégalable. Les histoires les plus anodines prenaient dans sa bouche des dimensions épiques et les rires qu'elles déclenchaient étaient inarrêtables. Sa voix, si particulière, et ses intonations, donnaient à ses récits une saveur rare. Les histoires de Bernard Lacroix... Il y a dans cette assemblée des gens qui se souviennent de ces histoires mémorables... Du mulet qui refusait de tirer le char quand il arrivait devant le panneau Cervens à l'inséminateur souffreteux dont la maigreur laissait la vieille fermière dubitative, le monde paysan était au cœur de cet humour tendre et déjanté... Des milliers de blagues que lui seul savait raconter...

 

Bernard avait mille choses à faire si bien que parfois il oubliait d'honorer de sa présence les repas auxquels il était invité. Quand on lui téléphonait avant de se mettre à table, on devinait au ton de sa voix qu'il avait oublié l'invitation mais il se reprenait de suite : "figure-toi qu'au moment où j'allais venir, ma mère s'est sentie mal, j'ai dû rester...". Il nous l'a servie quelques fois, celle-là... Une chose était pourtant vraie : l'amour qu'il portait à sa mère. Il y avait dans sa chambre, à Cervens, une photo de groupe jaunie où elle figurait dans la fraîcheur de la jeunesse et il se plaisait à dire : "regarde comme elle était belle..."

 

Bernard possédait tous les dons. Sauf celui de la finance. L'argent était quelque chose d'abstrait. Et puis ça changeait tout le temps ; alors, pour ne pas s'embrouiller, il convertissait les euros en anciens francs de sa jeunesse, ce qui donnait des situations cocasses comme ce jour pas si lointain où, à la stupeur générale, il déclara devant un auditoire ébahi qu'il lui restait deux jours pour payer le solde de son impôt sur le revenu qui s'élevait à ... "deux millions"! Je vous laisse le soin de la conversion...

 

Et puis vint le temps de la souffrance.

Oh, certes, la souffrance, Bernard Lacroix l'avait connue et apprivoisée depuis belle lurette ; la souffrance indicible ; la souffrance inexprimable ; la souffrance muette... Mais là encore, une vie d'exception menée tambour battant avait laissé derrière la porte des limbes la tristesse du souvenir enfoui. Il y a plusieurs vies dans la vie d'un homme et cette souffrance vécue dans l'enfance s'est dissoute, chassée par le talent et la dimension de cet homme hors du commun.

Non, la souffrance dont il nous faut parler, c'est celle du corps qui abandonne dans une chambre celui qui devra désormais se battre pour tenir un pinceau ou une plume. Oh, certes, il nous faut rendre hommage au dévouement et à l'élégance de la direction et du personnel de la maison de retraite de Cervens qui ont permis l'aménagement en atelier de la chambre voisine de celle de Bernard, l'autorisant ainsi à poursuivre, à son rythme, son travail de peintre et de poète, étant entendu qu'il lui était devenu impossible, physiquement, de souder le métal nécessaire à son travail de sculpteur. On avait lancé un défi à Bernard après son accident cardio vasculaire : peindre à son rythme et selon son désir et voir si le résultat pouvait faire l'objet d'une exposition. Bernard y parviendra, au-delà de toute espérance. En 2013, il y a moins de deux ans, on pouvait présenter son travail à Yvoire et l'année dernière il exposa des collages sur les murs que la direction de la maison de retraite avait mis à sa disposition.

Mais la souffrance était la plus forte d'autant plus qu'à la paralysie s'ajouta un mal dévastateur qui ne laisse que peu d'espoir à ceux qui en sont atteints. Bernard aura toutefois gagné son dernier combat : celui contre la déchéance. Il est mort dans la lucidité et, à ne pas douter en ce qui le concerne, dans l'espérance.

 

 

Jean-Claude Fert   

 

 

 

mercredi, 25 mars 2015

Hommage de Claude Detraz à Bernard Lacroix

 

 

 

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La fuite en Égypte, sculpture d' André POIRSON,  ami de Bernard Lacroix

Photographie de Claude Detraz

 

 

 

 

 

Oui, quelqu'un de bien vient de nous quitter, de ces hommes qui, dans la lignée des grands humanistes, ont sans cesse irrigué et éclairé le monde dans lequel nous vivons.

 

J'allais régulièrement le voir depuis qu'il était cantonné à l'étage de l'Orangeraie du Verger de Coudry, à Cervens. Ma dernière visite trop courte du vendredi 6 février 2015 m'avait valu de le tancer pour qu'il se remette à la peinture. Il m'avait répondu de sa douce voix: " avec le printemps, je reprendrai le pinceau". Il ne verra plus le printemps.

 

Je revois par la pensée notre première visite au musée de Fessy avec mes parents, tous deux éberlués qu'un gars puisse avoir récupéré et conservé tant de choses qu'eux-mêmes n'avaient pas daigné garder. Je le revois expliquant de sa voix calme sa collection de tuiles récupérées des toits de l'ancien couvent de la Visitation dont il était l'organiste.

 

Oui, c'était l'âme du Chablais, de nos villages de plaine et de montagnes, dont il connaissait toutes les histoires, tous les secrets.

 

Je repense à mon émerveillement à l'exposition de ses sculptures pleines d'humour, composées d'instruments agricoles récupérés, perpétuant la vie de leurs utilisateurs.

Je le revois expliquant ses peintures illustrant les rives enchanteresses du lac où il rejoignait tout à la fois les grands peintres et les grands poètes.

 

S'il pouvait ne nous donner qu'un seul message, je pense que ce serait celui-là:

"Fleuris où tu es semé" , de saint François de Sales ( son saint préféré), qui résume bien sa vie, ses œuvres et ses volontés.

Le paradis sera bientôt décoré des nouvelles œuvres de Bernard.

 

Claude Detraz

 

 

 

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La dernière crèche de Bernard Lacroix, Noël 2014

Photographie de Claude Detraz

 

 

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"L'enfant Jésus de sa dernière crèche que Bernard avait attaché au berceau de peur qu'on le lui vole, lui qui aurait tant voulu s'envoler de sa chaise roulante!" Claude Detraz

 

jeudi, 19 mars 2015

Décès de Bernard Lacroix

 

 

 

 

L'association Les Amis de Bernard Lacroix a l'immense tristesse de vous faire part du décès de Bernard,  survenu le 18 mars 2015, à Cervens.

Ses obsèques auront lieu lundi 23 mars, à 14h30, en l'église de Fessy.

 

Bernard est arrivé au bout de sa chalée, nul doute qu'elle l'a conduit à l'échelle qui grimpe au paradis.

C'est un parent, un ami très cher qui s'en est allé, c'est aussi une personnalité exceptionnelle, comme le savent les lecteurs de ce blog. Pour nous tous, il reste vivant à travers son œuvre poétique, artistique, muséale, que ce blog continuera d'explorer et dont notre association préservera la mémoire et le rayonnement.

 

Bernard aimait jouer au piano ou à l'orgue le choral de Bach Jésus que ma joie demeure, l'une de ses partitions préférées. Aujourd'hui, il est entré dans cette joie éternelle. Il aurait aimé que la joie demeure en nous, au-delà des pleurs.

 

Élisabeth Bart-Mermin

Jean-Michel Lacroix

 

Ajout 

Suite aux nombreux messages de sympathie reçus sur notre messagerie, nous ouvrons exceptionnellement les commentaires. N'hésitez pas à vous exprimer, même si vous n'avez pas connu Bernard personnellement.

Merci et amitiés à tous ceux qui nous ont écrit.

 

 

 

samedi, 01 novembre 2014

Sylvie

 

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Dessin de Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°2

 

 

 

 

Rappel:

La Toussaint

Nos morts

In memoriam, Jean Lacroix

 

 

En ce jour de la Toussaint,Les amis de Bernard Lacroix rappellent le souvenir de leur ami Jean Lacroix, décédé le 28 avril dernier. Il nous manque.

 

 

*

 

 

Je rencontrais un soir d'hiver la vieille Sylvie qui sortait du cimetière, la nuit largement tombée. Comme je lui en faisais la remarque, elle eut cette explication pour le moins inattendue: " Y'est lou môts que m'fan dremi". ( C'est les morts qui me font dormir.) Son fils, à qui je racontais la curieuse rencontre, me confia que sa mère avait toujours prétendu tenir un bon sommeil de ses visites quotidiennes au cimetière et au fait d'entretenir fidèlement la tombe des morts oubliés. Naturellement, cela va tout à fait à l'encontre de notre manière d'aborder le sujet. Pour la plupart d'entre nous qui n'oseraient pas traverser un cimetière la nuit, la pensée des morts nous empêcherait plutôt de dormir. Comment la vieille Sylvie avait-elle pu acquérir autant de sagesse, de sérénité? Sa réaction me laissa penaud et pensif. De nos jours, on a peur des morts, on les escamote, on s'en débarrasse en vitesse car ils dérangent notre confort routinier, on n'en veut plus chez soi, chez eux en définitive.

Une belle dame de Thonon s'exclamait au cours d'un dîner où l'on devait parler de cela: "Quand mon mari mourra, je ne veux pas qu'on le laisse à la maison, j'aurai bien trop peur!". Le pauvre homme qui se trouvait à ses côtés faillit en avaler sa fourchette.

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°2