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dimanche, 27 octobre 2013

Le mulet

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Croquis de Bernard Lacroix, extrait du recueil Croquis Minute





De tous les animaux domestiques communs à nos régions de montagne, je ne cache pas ma préférence pour le mulet. Cette espèce animale hybride a, paradoxalement, des qualités de bonne lignée qu'il manifeste — et c'est là où le bât blesse —, quand il en a envie.

N'est pas propriétaire d'un mulet qui veut. C'est, entre l'homme et la bête, un rapport de force permanent, il faut que l'un soit aussi malin que l'autre. Curieusement, le mulet n'a pas le même comportement avec les femmes. Je suis persuadé qu'il existe entre ces dernières et la bête de somme une véritable complicité, une sorte de compréhension mutuelle qui les rapproche : quelques paroles mystérieuses glissées au creux de l'oreille, un morceau de sucre ou un quignon de pain donnés en cachette... Allez savoir?

Contrairement au cheval, le mulet n'a pas le vertige, il a le pied plus sûr. Il devine les méandres d'un chemin longeant des précipices sous plusieurs mètres de neige. Il est patient, courageux, obstiné, peu coûteux d'entretien, rarement malade... Par contre, il est quelquefois méchant. Quand vous lui tournez le dos, il en profite pour vous mordre les épaules, vous enlever votre chapeau ou vous déchirer votre chemise. Il n'aime pas les chevaux. Á la charrue, on le mettait toujours en "flèche", c'est-à-dire le premier, pour justement éviter qu'il morde les fesses du cheval précédant. Son langage est dans ses oreilles qu'il oriente sans cesse vers les bruits ou les paroles. Avec un peu d'expérience, on comprendra vite qu'il ne fait pas bon lui tourner autour de la queue sans prévenir.

Si son maître ne connaît pas toujours ses états d'âme, l'animal, en retour, ne se trompe jamais. Quand un habitant d'un hameau voisin, trop saoul pour tenir les guides, s'allongeait dans son tombereau, son mulet le menait toujours à bon port, mais chaque fois, il se débrouillait pour faire passer une des roues du véhicule sur une grosse pierre plantée à l'entrée de la cour, ce qui faisait que la charrette déséquilibrée se retournait sur son pauvre occupant. Après quoi il trouvait le moyen de se défaire de ses harnais pour rejoindre sa place dans l'étable dont il savait également ouvrir la porte.

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°4

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