vendredi, 10 juin 2016
Le ciel des humbles, 2
Cloître de l'Abbaye Notre-Dame-d'Abondance (Haute-Savoie)
Rappel :
Le Baroque Savoyard, poème de Bernard Lacroix
Religieux, le Savoyard l'est dans ses racines. La fondation de certains lieux de culte remonte aux Ve et VIe siècles, ceux placés par exemple sous le vocable de Saint-Jean-Baptiste, de Saint-Maurice-d'Agaune...
Les abbayes, les monastères essaimèrent, laissant incontestablement des traces dans le comportement des habitants d'alentour, encore tangibles de nos jours : plus intelligents, plus ingénieux, plus cultivés, plus artistes qu'ailleurs. Les lieux de pèlerinage favorisent les brassages d'idées, les apports matériels, intellectuels et spirituels.
Bien que le Savoyard se dise de droite, il l'est plus par atavisme, par principe, par hérédité que par politisation. Il fut de tous temps plutôt circonspect vis-à-vis du pouvoir central. Je le crois volontiers anarchiste.
Les croix, les oratoires, les chapelles qui jalonnent nos chemins sont les témoins de notre foi. Ils sont entretenus et soignés, nos gens y tiennent.
Dans nos églises, l'art baroque fleurit, surtout dans les villages de montagne. C'est ainsi que nous voyons l'au-delà, l'art baroque c'est le ciel des humbles.
J'imagine que la vieille femme que nous allons voir un peu plus loin, enfermée dans sa douleur, demande peut-être sa mort. Ses saints et ses saintes à elle ont sans doute les visages lisses et ripolinés des retables exubérants : des anges dorés ouvrent tout grand leurs ailes. La Vierge Marie, dans son manteau bleu étoilé, l'invite de sa main rose à la rejoindre sur le nuage qui la conduira doucement vers la béatitude éternelle. Des chérubins lui montrent le chemin de leurs doigts grassouillets. Des évêques barbus, des chanoines chamarrés, des pages affairés s'apprêtent à lui faire cortège. La montagne est au loin toute petite. C'est ainsi que l'on doit la voir de là-haut, depuis l'invisible sommet où des colombes s'évanouissent, plus haut, beaucoup plus haut, jusqu'au trône de Dieu le Père dont on devine les pieds nus dans l'obscurité de la voûte.
Bernard Lacroix, Mémoire des jours (Bias, 1990)
17:18 Publié dans Mémoire de la Savoie, Patrimoine d'ici et d'ailleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
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