mardi, 17 septembre 2019
"Aux lisières du temps" de Bernard Lacroix
Ce blog, en dormance depuis plus d'un an, reprend son activité.
L'association Les Amis de Bernard Lacroix a le plaisir de vous annoncer la parution d'un très beau livre qui rassemble l'ensemble des poèmes de Bernard Lacroix, illustré par des reproductions de ses tableaux et dessins et des photographies de ses sculptures. Cet ouvrage a été réalisé par les éditions Le Solitaire à Tarbes.
Vous pouvez vous le procurer au prix de 23€ ( 18€+5€ de frais de port) à l'adresse suivante:
Hubert Le Goff
245, avenue de Vallon
74890-FESSY
Chèque à l'ordre de Les Amis de Bernard Lacroix
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Extrait de la préface:
Nous avons rassemblé dans ce livre l'ensemble des poèmes de Bernard-Dominique Lacroix (1933-2015), poète, artiste peintre, sculpteur, musicien, collectionneur et fondateur du musée de Fessy, dont la collection ethnographique, acquise par le Conseil Général de la Haute-Savoie en 2001, est devenue l'une des plus importantes de l'arc alpin. Si l'œuvre artistique et muséale de cet artiste hors normes est désormais reconnue, son œuvre poétique, publiée dans sept recueils de son vivant, reste à découvrir. Limpide dans son humilité, cette poésie coule de la source immémoriale de la culture populaire traditionnelle, contes et chants longtemps transmis oralement en patois, textes sacrés chrétiens, qui s'est enrichie, au fil du temps, des grandes voix poétiques de la langue française. Elle constitue la jointure entre l'œuvre artistique ancrée dans son siècle et l'œuvre patrimoniale qui sauve de l'oubli l'ancien monde rural disparu.
"J'ai vécu à la lisière de deux civilisations : la civilisation agro-pastorale [...] et celle du machinisme naissant" écrit Bernard Lacroix. Né en 1933 à Évian, il a connu la première dans son enfance même si la civilisation industrielle était déjà là. C'est au cours de la période dite "Les Trente Glorieuses", des années 50 au début des années 70 du siècle dernier, que le machinisme et la société de consommation se sont étendus au monde rural. Bernard Lacroix a vécu cette mutation, rapide voire brutale en Haute-Savoie, en particulier en Chablais, qui devait aboutir in fine au grand bouleversement, l'avènement de l'ère numérique et de la cybernétique, dont on ignore encore si elle engendrera une autre civilisation ou une nouvelle barbarie. La poésie de Bernard Lacroix se tient à cette lisière. Comme l'écrit Cristina Campo, " il fut un temps où le poète était là pour nommer les choses [...] comme au jour de la Création. Aujourd'hui, il ne semble là que pour prendre congé d'elles, pour les rappeler aux homme, avec tendresse et affliction, avant qu'elles ne s'éteignent. Pour écrire leur nom sur l'eau : et peut-être sur cette forte houle qui les aura bientôt englouties." (1) Ce n'est pas un hasard si le collectionneur a précédé le poète, l'artiste peintre et sculpteur, en recueillant, dès l'âge de onze ans, les objets de la civilisation rurale jetés au rebut. Étrange passion d'un enfant qui vécut dans sa chair la barbarie de la seconde guerre mondiale et qui, probablement à ce moment là, sentit intuitivement que la "forte houle" dont parle Cristina Campo était lourde de menaces pour l'avenir.
Bernard Lacroix a eu onze ans en 1944 et c'est le 12 juillet 1944 que son père Auguste Lacroix, agriculteur et maire de Fessy, fut assassiné chez lui, en présence de sa famille(2). Le traumatisme affecta la parole : Bernard et son frère Gilbert bégayèrent pendant longtemps, écrit leur mère, Marie-Antoinette Lacroix née Vernet, dans un récit destiné à ses proches. Une décennie plus tard, Bernard sera appelé sur le théâtre des opérations de la guerre d'Algérie. Il en reviendra chauve et signera ses premiers tableaux Le Chauve.
Aux antipodes des rhétoriques de la victimisation qui se généralisent aujourd'hui, nourrissant le ressentiment des uns et des autres, la poésie de Bernard Lacroix se tait sur les horreurs vécues. Elle en vient mais elle les dépasse. À la lisière de deux civilisations, l'ancienne civilisation rurale et la nouvelle civilisation consumériste, à la lisière de deux époques, celle d'un christianisme qui animait la vie quotidienne et celle d'un matérialisme individualiste sans repères, "écrivant sur l'eau" le monde disparu, le poète retrouve, au-delà de la perte, l'être du monde et des hommes. Miracle renouvelé de la poésie franciscaine qui chante les hommes et les animaux, tous créatures de Dieu, qui chante la Création divine comme union de la vie et de la mort au sein du devenir . [...]
Élisabeth Bart-Mermin
Notes:
(1) Cristina Campo, Le Parc aux cerfs in Les Impardonnables ( Gallimard, coll. L'Arpenteur, 1990) p.190
(2) Cet assassinat est mentionné par l'historien Robert Aron dans son livre Histoire de l'épuration, tome 1 ( Fayard, 1967, pp. 564-5) au chapitre intitulé Querelles personnelles, exécutions sommaires et arrestations arbitraires, comme exemple d'exécution " pour raisons de classe, de politique ou d'intérêt".
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