mercredi, 11 mars 2015
Chanson de printemps
Photographie JN Bart
Le Dictionnaire du patois de Saxel, publié en 1969 aux éditions Les Belles Lettres, est l'œuvre d'une institutrice, J.Dupraz qui, de 1935 à 1943, a collecté auprès de sa famille, ses voisins et amis, non seulement les mots et tournures du patois local déjà inusités à l'époque, mais aussi des historiettes, proverbes, et cette Chanson de printemps.
Nanõ, tlé zha le bó tã,
l'ivér fo plas ü prêtã.
luz obre è lu bwè sã t ã sova,
luz izé sã to gîlyè,
lu shã sã rãpli de bokè,
zhe n'é jamé rã vyü d as brove.
tlé zha le fèlœ, ma Nanõ,
le felœ gru mã õ bènõ,
le felœ pore déz étèlyie.
só lé nyole é s è kashya,
mé pè te vi s ã n è treya
tãdi ke zhe sèyive lé sèlye.
lose me égéti tu jwè.
sé dvenü sè mã õ lãzhè
dè k t é modoye a la vèla.
i fasé tã bõ se rãkõtro.
te m avyo dye ke te m amovo,
è pwé dmã te m üblere ptêtre.
zhe sa ben ke t o otre z amã,
t ã n o yõ tó lu zhœr de l ã
ke t omã è te trüvã dróla.
te so ben ke zhe n sé po mõsü,
mé dè le momã ke zhe t é vyü
tó lu zhœr zh é la grevóla*.
NB: langue orale, le patois n'a pas d'orthographe. Cette transcription est donc en alphabet phonétique. Les polices de ce blog ne donnent pas le caractère phonétique du e nasalisé que j'ai transcrit par "en", par exemple te so ben, v.4, 4e strophe.
Voici la traduction en français:
Nanon, voilà déjà le beau temps,
L'hiver fait place au printemps.
Les arbres et les bois sont en sève,
Les oiseaux sont tout guillerets,
Les champs sont remplis de bouquets,
Je n'ai jamais rien vu d'aussi joli.
Voilà déjà le soleil, ma Nanon,
Le soleil gros comme un bènon,
Le soleil père des étoiles.
Sous les nuages il s'est caché,
Mais pour te voir s'en est tiré
Pendant que je fauchais les seigles.
Laisse-moi regarder tes yeux.
Je suis devenu sec comme un orvet
Depuis que tu es partie à la ville.
Il faisait tant bon se rencontrer.
Tu m'avais dit que tu m'aimais,
Et demain tu m'oublieras peut-être.
Je sais bien que tu as d'autres amants,
Tu en as un tous les jours de l'an
Qui t'aiment et te trouvent drôle.
Tu sais bien que je ne suis pas monsieur,
Mais depuis le moment que je t'ai vue,
Tous les jours j'ai la grévole*.
Dictionnaire Le patois de Saxel,( Les Belles Lettres, Publications de l'institut de linguistique romane de Lyon vol.27, 1969) p. 150.
*grevola(en patois), grevole (en français): frisson
grevolar (en patois): frissonner
grevolet: chair de poule
23:17 Publié dans Patois savoyard et sabaudismes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : patois de saxel, j. dupraz, éditions des belles lettres, institut de linguistique romane de lyon | Imprimer |