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samedi, 10 octobre 2015

Jacques Miguet (1921-1985), 3

 

jacques miguet, granges de servette, jacques truphémus

Jacques Truphémus, La belle servante, 1980

Huile sur toile, 130x130 cm

 

 

 

 

 

Rappel :

Le Berger

Allocution de Jean-Claude Fert aux obsèques de Bernard Lacroix

Jacques Miguet, 1

Jacques Miguet, 2

 

 

*

 

Au nom de l'amitié

Entretien avec le peintre Jacques Truphémus

 

 

Les peintres qui l'ont connu gardent l'image d'un homme très attaché à son village et à sa région, le Chablais, comme une tradition vivante à défendre, un patrimoine à sauvegarder : en témoignent l'intérêt qu'il a eu pour créer un musée des outils anciens et son goût des fouilles entreprises au château de Langin. Je l'ai vu plus souvent sur le terrain, avec une brouette, la pioche à la main ou la truelle pour maçonner, alliant un savoir à une pratique : "un savoir d'intellectruelle" disait-il avec humour. C'est l'exemple même d'une culture personnelle, forgée au contact réel des œuvres rencontrées au hasard d'un cheminement naturel. Profondément attaché à sa région, mais sans sectarisme, il était d'une grande curiosité d'esprit  et portait intérêt à toute forme d'art particulière, à toute forme d'expression populaire : la Toscane, l'art étrusque, les petits maîtres comme Filippo Lippi, Lorenzetti — nous parlions souvent de ces peintres qu'il aimait beaucoup — , les icônes byzantines, les bijoux anciens...C'était chez lui un éclectisme de bon aloi, sans dispersion, n'obéissant surtout qu'à des coups de cœur.

Un homme de passion, généreux et d'un rare optimisme, avec cette étonnante capacité d'émerveillement et d'admiration qu'il savait faire partager, mais surtout d'une grande confiance en l'homme; à une époque difficile où il existe toujours une tentation de doute ou de repli, les artistes ont senti le prix d'une confiance accordée, une confiance totale — qui ne s'est jamais démentie — dans les choix que chacun d'entre nous s'était fixés. Il a su reconnaître avant l'heure des artistes qui n'étaient pas alors "consacrés" et qui le furent ultérieurement.

Ce n'était pas un homme de chapelle, il revendiquait cette grande indépendance d'esprit qui l'a toujours rendu méfiant vis-à-vis des choix officiels, sans en nier parfois la valeur.

Homme de continuité dans la passion, toute sa vie il manifesta un intérêt constant pour les cultures différentes. Fidèle à ses goûts, avec ce désir de relier le présent au passé, il avait proposé aux peintres et aux sculpteurs de participer à la restauration de vitraux ou à la création de sculptures pour les églises de la région.

Á Douvaine, des familles de peintres se regroupaient au cours d'expositions, et souvent d'horizons divers : ainsi les Granges de Servette accueillaient, sans régionalisme aucun, les artistes de Haute-Savoie, de Suisse, de Paris, d'Autriche, d'Italie. Participait régulièrement l'école lyonnaise dont la peinture, se rattachant à une tradition, avait su, dans un relatif isolement de la province s'affirmer face à Paris, avec le sentiment d'une petite méfiance à l'égard des modes et des assimilations quelque peu faciles.

C'était essentiellement un esprit de fête qui présidait à ces expositions. Ce qui nous séduisait, nous, peintres de la ville, c'était de constater que des manifestations de cette importance pouvaient être organisées avec la participation des gens du pays. Je garde le souvenir de cette exposition où tous les commerçants de Douvaine avaient en vitrine une toile en rapport avec leur activité, un bouquet de fleurs chez le fleuriste, une viande chez le boucher, un pain de Schmid chez le boulanger. Pour beaucoup d'entre nous, lors de nos premières expositions, nous vendions plus de peintures à Douvaine qu'à Lyon; sans persuasion arbitraire, le rayonnement qu'exerçait Jacques Miguet suscitait de multiples intérêts et cela comptait beaucoup pour nous à l'époque.

C'est un véritable capital de confiance que nous ont apporté ses amis, car tous en même temps finissaient par partager cette même valeur humaine qu'il dispensait ; et les premiers amateurs que l'on rencontrait aux Granges, loin de tout esprit spéculatif, nous ont accompagnés toute la vie, conscients de participer ainsi à notre travail.

 

Jacques Truphémus, Catalogue de l'exposition Les peintres, ses amis... Hommage à Jacques Miguet (1988)

 

 

 

 

vendredi, 21 août 2015

Jacques Miguet (1921-1985), 2

 

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Bernard Lacroix, Première neige, huile sur toile, 33x41 cm

Œuvre figurant à l'exposition Les peintres, ses amis en hommage à Jacques Miguet, Annecy, 1988

 

 

 

 

Rappel : Jacques Miguet (1921-1985), 1

 

 

 

 

 

 

 

Les Granges de Servette ou l'itinéraire d'une découverte

 

 

C'est en 1984 que le docteur Jacques Miguet entreprend officiellement son grand pèlerinage, son grand cheminement dans le monde de l'Art, à l'occasion de deux expositions organisées par le Syndicat d'Initiative de Douvaine, l'une consacrée au peintre L.Lehman, l'autre à la gravure où l'on relève les noms de Léger, Manessier, Marquet, Villon...

Les manifestations suivantes furent autant d'évènements qui favorisèrent la rencontre de Jacques Miguet avec des œuvres d'artistes renommés : Balthus, Giacometti, Klee, Miro et Dufy furent en 1956 les "Poètes du visible".

1958 vit la naissance du Comité d'Art et Culture de Douvaine, et la première manifestation aux Granges de Servette, Peintures et sculptures religieuses anciennes en Chablais : à cette occasion, le docteur Paul Ramain présenta l'extraordinaire bâtisse :

" Cette étonnante vieille grange monumentale du XVIIe siècle, temple d'art, isolée dans la nature vivante et pastorale, tout en offrant une vue reposante sur d'immenses horizons paisibles et silencieux, ainsi que sur un prestigieux décor de hautes montagnes dentelées, renferme non seulement une collection sélectionnée d'une cinquantaine de vieilles statues en bois sculpté, vraie "litanie des Saints" vénérés jadis dans nos campagnes et montagnes, œuvres authentiques et sincères d'artistes artisans savoyards du XIIe au XVIIIe siècle, mais encore toute une remarquable collection d'œuvres de jeunes peintres et sculpteurs contemporains".

En 1959, les Granges de Servette se révélèrent un lieu éclectique ouvert aux peintres : Truphémus, Fusaro, Philibert-Charrin, Cottavoz, Decarli, Sogno, Boullier, J-J. Morvan et également à diverses manifestations telle L'Art Nègre avec la participation des Griots, Compagnie africaine d'Art Dramatique, Terre Espagnole, un montage de J-J.Morvan avec Catherine Sauvage et Roger Blin.

En 1960, pour les fêtes du centenaire du rattachement de la Savoie à la France, la mairie de Douvaine présenta Peinture pour tous avec Adilon, Baboulène, Cottavoz, Fusaro, Decarli, Sogno... Vint ensuite le Festival Théâtral des Nuits de Servette proposant tout autant le grand répertoire classique que contemporain, avec le concours de Roger Blin, Marcel Maréchal, les Comédiens du Cothurne de Lyon et le Théâtre des Faux-Nez de Lausanne. La musique ne fit pas défaut : des concerts de luth et guitare furent également donnés.

En 1962, on exposa une collection d'outils (du XVIe siècle à nos jours) qui, au fil des acquisitions, devint collection permanente. L'inauguration fit l'objet de cérémonies humoristiques inoubliables : fanfares, discours de Félix Benoît, recteur de l'Institut des Sciences Clavologiques, remise de décorations, l'Ordre du Clou aux docteurs Miguet et Ramain et au peintre Decarli. René Deroudille présenta la réalisation de Philibert-Charrin L'Élagueur au cœur gai, haute ferraille de deux tonnes et de onze mètres de haut qui accueille depuis lors les visiteurs aux Granges.

  De 1962 à 1987, se succédèrent au cours d'expositions toutes formes d'expression, de l'art populaire à l'art contemporain : peinture, sculpture, photographie, bois sculpté, masques, tableaux textiles, céramiques et collages, toutes manifestations où s'inscrivirent par leur fréquentation régulière les "artistes maison" et qui révélèrent tant de sensibilités nouvelles.

1954-1985, trente et un ans de découvertes, de rencontres exceptionnelles, d'émotions, de joies partagées, trente et un ans d'un véritable mécénat mené tambour-battant avec ce sourire, cette présence rayonnante, cette modestie silencieuse, cette disponibilité, cet enthousiasme, ce contact unique... Le docteur Jacques Miguet, pionnier de la Culture nous a quittés. Reste son œuvre, non seulement aux Granges de Servette, la réalisation de la salla polyvalente de Douvaine, mais aussi le dynamisme qu'il a su donner à l'ADDIM de Haute-Savoie dont il fut le président-fondateur et au sein de la commission culturelle du Conseil Général et du Conseil Régional qu'il présida avec combien de compétence et de réussite. Militant de la défense du Patrimoine, il donna l'exemple truelle en main. Son passage à la mairie de Douvaine, son cher petit bourg, lui donna plus de soucis que de satisfactions. Paradoxalement, ce Conseiller Général, élu et réélu avec des scores favorables jamais atteints, ne fut pas toujours bien compris et aidé dans sa propre municipalité. Cachant sa déception et sa peine derrière un humour ô combien charitable, sa consolation devait être de savoir ses amis innombrables et fidèles. Ils ne sont pas prêts de l'oublier.

 

Bernard Lacroix, Catalogue de l'exposition "Les peintres, ses amis- Hommage à Jacques Miguet, (Annecy, 1988) pp.13-14

mercredi, 12 août 2015

Jacques Miguet (1921-1985), 1

jacques miguet,granges de servette

Photographie: Catalogue de l'exposition Les peintres, ses amis. Hommage à Jacques Miguet

(Annecy, 1988)

 

 

 

Rappel:

Le Berger

Allocution de Jean-Claude Fert aux obsèques de Bernard Lacroix

Le site des Granges de Servette

 

 

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Jacques Miguet s'en est allé il y a tout juste trente ans. En 1988, une exposition mémorable de ses amis peintres (dont Bernard Lacroix), au Conservatoire d'Art et d'Histoire d'Annecy, lui rendait hommage. Ces grands noms de l'art exprimaient ainsi leur gratitude à cet homme qui avait entretenu avec eux un dialogue lumineux et fécond. Son exemple devrait nous inspirer aujourd'hui.

E.B-M

 

*

 

 

Jacques Miguet était un homme hors du commun.

Ayant délibérément choisi d'être un médecin de campagne alors que ses brillantes études le destinaient à occuper une place prépondérante dans les services hospitaliers universitaires, il préféra demeurer dans son pays pour mieux se consacrer, au travers d'une vie professionnelle intense et d'un dévouement sans limite, à servir l'art et la culture.

D'un intelligence remarquable, servi par une prodigieuse mémoire, toujours avide de connaissances nouvelles et de découvertes, il s'érigeait en défenseur inconditionnel de toute forme d'expression artistique, attentif à privilégier la peinture, la sculpture et la création musicale. Soucieux de la réhabilitation et de la valorisation du patrimoine historique de la Haute-Savoie, Jacques Miguet, par son enthousiasme communicatif, sut convaincre l'Assemblée Départementale de se donner une politique culturelle, de dégager les moyens de sa mise en œuvre et d'assigner au Conservatoire d'Art et d'Histoire la vocation d'être le haut lieu culturel du département.

Passionné de musique, il fonda l'ADDIM dont il assura la présidence et constitua l'orchestre départemental. Passionné de peinture, c'est à lui que nous devons d'avoir acquis la superbe collection Chastel.

Pendant deux mois, peintres et sculpteurs viendront, par l'exposition de leurs œuvres, rendre un légitime et émouvant hommage à celui qui fut, sa vie durant, un grand ami des artistes, de la Savoie et des hommes.

 

Bernard Pellarin, Catalogue de l'exposition "Les peintres, ses amis" , 1988

Président du Conseil Général de la Haute-Savoie.

 

 

 

 


 

 

 

 

samedi, 28 mars 2015

Allocution de Jean-Claude Fert aux obsèques de Bernard Lacroix

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L'arbre blanc, huile sur carton (32×23) de Bernard Lacroix

 

 

 

 

Bernard Lacroix est donc mort lucide dans la tombée du soir.

 

Il est mort à l'aube du printemps, bien qu'il eût sans doute souhaité, lui, le chrétien, mourir un peu plus tard, pendant un de ces jours de la Passion, qui avait fait dire trente ans avant à Jacques Miguet alors agonisant, que souffrir et mourir à cette époque était un honneur...

 

J'ai connu Bernard au début des années soixante, dans son musée naissant. Il était encore le paysan-poète que, dans le fond, il n'a jamais cessé d'être. Il publiait déjà ses poèmes, enrichissait jour après jour son musée, conscient que, s'il ne le faisait pas, personne ne le ferait à sa place, ou alors le ferait trop tard. Il jouait du piano, dessinait merveilleusement et peignait, quand il le pouvait, tout en continuant à s'occuper de ses arbres et de cette terre dont il était bâti. Il se mettra assez rapidement à la sculpture, ou plutôt à la récupération et à la réutilisation de tous les objets délaissés de ce monde paysan dont l'usage était devenu obsolète, pour leur redonner une seconde vie, faisant là aussi, patiemment, œuvre de sauvegarde. Rien de ce monde agricole, alors réduit dans son village comme ailleurs, à une survie illusoire, ne devait disparaître... Tout devait être conservé ou métamorphosé. Merveilleuse et ironique revanche, par la grâce de cet homme, de ces outils séculaires condamnés ailleurs à l'abandon et au mépris. Un monde millénaire s'écroulait sous ses yeux? Qu'importe, il allait en transcender la dépouille! Ce devoir de mémoire qu'il s'infligea jusqu'à l'épuisement le verra donc immortaliser des milliers d'objets d'un quotidien condamné, constituant, avec une patience et une fièvre indispensables, une collection sans équivalent. Il procédait aussi en cela à légitimer et à conforter l'œuvre de cet autre homme exceptionnel, auquel il vouait admiration et respect :

Jacques Miguet, qui avait entrepris une action culturelle hors normes dans ce qui était encore un coin de la campagne française, d'abord au cœur de Douvaine puis dans ces "granges de l'esprit" qui continuent, grâce à une poignée de veilleurs, à éclairer des étés qui en ont bien besoin. Jacques Miguet, médecin à la culture universelle, pour qui Bernard écrira cet émouvant poème posthume, Le Berger, et dont il défendra avec vigueur les choix dans tous les domaines de l'esprit.

 

Très vite la renommée de Bernard dépassa son village où nous sommes aujourd'hui rassemblés. Cet homme de goût s'éprit alors de Nernier , petit joyau, où il eut l'opportunité d'acquérir l'ancienne fruitière qu'il restaura avec ferveur et respect, la transformant en ce qui allait devenir le Musée du lac où il accueillit pendant de nombreuses années des artistes confirmés ou en devenir. Nernier où les soirs d'été n'en finissaient plus, donnant au village des airs de Saint-Paul-de-Vence mais où le vin blanc frais, servi sous les tonnelles, pouvait s'avérer, à la longue, d'une efficace et redoutable traîtrise...

 

Bernard était musicien. Pas seulement l'organiste du couvent de La Visitation — que d'admiratrices à son corps défendant! — mais il était aussi un pianiste talentueux. Je me souviens des soirées d'été de la fin des années soixante où il avait installé son piano dans la salle en pierre de ce qui n'était pas encore la galerie dans laquelle il nous fit l'honneur d'exposer, et je me souviens que le public lui demandait de jouer les morceaux les plus divers et les plus invraisemblables, il connaissait tout. Il jouait tout.

 

Bernard était un conteur.Un conteur inégalable. Les histoires les plus anodines prenaient dans sa bouche des dimensions épiques et les rires qu'elles déclenchaient étaient inarrêtables. Sa voix, si particulière, et ses intonations, donnaient à ses récits une saveur rare. Les histoires de Bernard Lacroix... Il y a dans cette assemblée des gens qui se souviennent de ces histoires mémorables... Du mulet qui refusait de tirer le char quand il arrivait devant le panneau Cervens à l'inséminateur souffreteux dont la maigreur laissait la vieille fermière dubitative, le monde paysan était au cœur de cet humour tendre et déjanté... Des milliers de blagues que lui seul savait raconter...

 

Bernard avait mille choses à faire si bien que parfois il oubliait d'honorer de sa présence les repas auxquels il était invité. Quand on lui téléphonait avant de se mettre à table, on devinait au ton de sa voix qu'il avait oublié l'invitation mais il se reprenait de suite : "figure-toi qu'au moment où j'allais venir, ma mère s'est sentie mal, j'ai dû rester...". Il nous l'a servie quelques fois, celle-là... Une chose était pourtant vraie : l'amour qu'il portait à sa mère. Il y avait dans sa chambre, à Cervens, une photo de groupe jaunie où elle figurait dans la fraîcheur de la jeunesse et il se plaisait à dire : "regarde comme elle était belle..."

 

Bernard possédait tous les dons. Sauf celui de la finance. L'argent était quelque chose d'abstrait. Et puis ça changeait tout le temps ; alors, pour ne pas s'embrouiller, il convertissait les euros en anciens francs de sa jeunesse, ce qui donnait des situations cocasses comme ce jour pas si lointain où, à la stupeur générale, il déclara devant un auditoire ébahi qu'il lui restait deux jours pour payer le solde de son impôt sur le revenu qui s'élevait à ... "deux millions"! Je vous laisse le soin de la conversion...

 

Et puis vint le temps de la souffrance.

Oh, certes, la souffrance, Bernard Lacroix l'avait connue et apprivoisée depuis belle lurette ; la souffrance indicible ; la souffrance inexprimable ; la souffrance muette... Mais là encore, une vie d'exception menée tambour battant avait laissé derrière la porte des limbes la tristesse du souvenir enfoui. Il y a plusieurs vies dans la vie d'un homme et cette souffrance vécue dans l'enfance s'est dissoute, chassée par le talent et la dimension de cet homme hors du commun.

Non, la souffrance dont il nous faut parler, c'est celle du corps qui abandonne dans une chambre celui qui devra désormais se battre pour tenir un pinceau ou une plume. Oh, certes, il nous faut rendre hommage au dévouement et à l'élégance de la direction et du personnel de la maison de retraite de Cervens qui ont permis l'aménagement en atelier de la chambre voisine de celle de Bernard, l'autorisant ainsi à poursuivre, à son rythme, son travail de peintre et de poète, étant entendu qu'il lui était devenu impossible, physiquement, de souder le métal nécessaire à son travail de sculpteur. On avait lancé un défi à Bernard après son accident cardio vasculaire : peindre à son rythme et selon son désir et voir si le résultat pouvait faire l'objet d'une exposition. Bernard y parviendra, au-delà de toute espérance. En 2013, il y a moins de deux ans, on pouvait présenter son travail à Yvoire et l'année dernière il exposa des collages sur les murs que la direction de la maison de retraite avait mis à sa disposition.

Mais la souffrance était la plus forte d'autant plus qu'à la paralysie s'ajouta un mal dévastateur qui ne laisse que peu d'espoir à ceux qui en sont atteints. Bernard aura toutefois gagné son dernier combat : celui contre la déchéance. Il est mort dans la lucidité et, à ne pas douter en ce qui le concerne, dans l'espérance.

 

 

Jean-Claude Fert   

 

 

 

jeudi, 25 septembre 2014

Le berger

 

chemin des bergers.jpg

Photographie savoie-mont-blanc.com

 

 

 

 

 

Au docteur Miguet

 

Berger, où es-tu?

 

Ici-basse-terre

La nuit affûte ses dents sales

L'oiseau se méfie de l'arbre qui l'abrite :

L'arbre s'est fait complice du loup.

Le chemin se faufile à tâtons

Vers des dangers qu'il engendre.

Ma peur crie à l'aide

Mais tu ne m'entends plus...

 

Quand le berger est mort

N'y-a-t-il que le chien pour se souvenir de lui?

 

Dans sa solitude nacrée

Peuplée de vents éteints

Et de moutons nuages insipides,

Le berger a besoin du troupeau.

 

Berger

Je pense à toi!

 

Bernard Lacroix, Reflets oubliés