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mardi, 09 septembre 2014

Le sentier

 

l'herbier du temps

Mont d'Hermone, juin 2014

(Photographie JN Bart)

 

 

 

 

Je n'ai pas retrouvé le sentier

Qui menait aux granges des bois.

Il faut croire

Que tous ceux qui l'empruntaient

Sont morts.

La forêt avide a repris son bien.

 

Dans mes jeunes années,

J'y laissais inconsciemment mes traces.

Les vaches y paissaient elles aussi :

Là haut,

Leurs cloches rassurantes

Parcouraient les étés clairs.

Il y avait aussi

Des bruits de seaux et d'eau joyeuse...

 

Je pense à vous

Mes amis des sentiers disparus :

Bêtes et gens,

Visages et cornes confondus,

Partis pour l'ultime "remue",

Restés en haut pour toujours.

 

 

Bernard Lacroix, L'herbier du temps

lundi, 14 juillet 2014

Préface du recueil "L'herbier du temps"

l'herbier du temps, andré depraz

 

 

 

La poésie se moque volontiers de la richesse et du clinquant ; elle erre à sa façon et se pose, comme l'esprit, quand elle en a envie. Manifestement elle est présente dans cette modeste plaquette, mélange savoureux de solennité et de familiarité, de rythmes élémentaires liés aux saisons et de gestes quotidiens. Douce et embuée, elle est convaincante, ancienne et hors de toute théologie, se dégageant de l'usure des paysages, innocente, acceptant la profondeur et l'ombre.

 

L'écriture de Bernard Lacroix est candide, avec un rien d'accent, sa voix est murmure dans une sorte de conversation lente, sans cris et sans refrains, sans éloquence et sans lyrisme. Elle possède un ton particulier que les contes prêtent volontiers aux vieux sages campagnards ou aux bergers des alpages, hommes solitaires, calmes, peu pressés, humbles et nobles.

 

Le poète semble remonter le temps pour aller à la source des choses quand le cœur fait alliance avec les objets les plus ordinaires, quand il dit la neige légère ou l'oiseau, quelques semblants de feuilles à peine ou le chant têtu qui sourd des fontaines, distillant de vagues arômes d'archaïsme qui nous rappellent le monde agreste.

 

Pour éviter le froid du cœur, la poussière qui recouvre l'âme et la mort spirituelle, Bernard Lacroix nous invite à revenir à l'humble réalité. Ainsi ses poèmes sont volontiers prières d'où se dégage une sorte de piété née d'une confiance tranquille, et qui ne tient en rien à la peur du néant.

 

Fouineur du passé, conservateur du patrimoine, officiant d'un rite mystérieux, le bonhomme se retrouve tout entier dans ses poèmes. En cette fin de siècle, le ton pourrait apparaître comme un défi s'il n'était pudeur et humilité, voire nostalgie, car le grand herbier du temps s'est desséché et la montagne n'est peut-être plus ce qu'elle était.

 

 

André Depraz, Préface du recueil L'herbier du temps de Bernard Lacroix ( Édition Art et Folklore-Musée de Fessy)