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vendredi, 11 octobre 2013

La continuité des formes et leur symbolisme dans les objets et outils traditionnels,4

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La mémoire

 

 

 

On a du mal à admettre que les choses puissent avoir de la mémoire! Le foin emmagasine les senteurs de l'été, les restitue dans le lait, dans le fromage : le fromage d'Abondance est la mémoire de l'alpage.

1000 ans après sa coupe, le bois "travaille" encore comme on dit, il craque, se fend, se délite... Il se souvient de sa sève. C'est pour cette raison, qu'en charpente, il faut toujours remettre le bois dans le bon sens, "en Orient", dans le sens de la sève montante.

Les pierres ont de la mémoire : on dit que les cathédrales sont des carrières reconstituées. Le tailleur de pierre, le carrier gravaient sur les pierres des signes de connivence qui permettaient aux maçons, à des lieues de là, de les remettre dans le bon sens, c'est-à-dire dans l'ordre de leur extraction de la carrière.

Les potiers chinois n'utilisaient que de la terre qui avait au moins 150 ans de repos, pour, disaient-ils, lui faire perdre la mémoire.

L'outil est la mémoire du geste puisque façonné par lui, la mémoire de celui qui s'en est servi, de celui qui l'a conçu, imaginé. L'outil est le témoin de son temps : certains d'entre eux sont datés, marqués, signés...L'outil témoigne de son histoire, de l'histoire tout court.

L'outil est beau : de cette beauté épurée, dictée par le geste, par son usage, qui lui donne cette forme achevée, accomplie qui lui fait passer le temps. Cette forme n'a pas beaucoup changé, elle semble intemporelle, immuable, elle semble avoir été décidée une fois pour toutes.

Le travail de la terre est un combat, non pas contre les hommes, bien sûr, mais une lutte contre la nature souvent ingrate, méchante, cruelle, sournoise, imprévisible, vengeresse...

J'ai choisi, pour illustrer mes propos, de montrer des outils aratoires remarquables par leur analogie avec des armes dites "blanches". On les imagine plus volontiers entre les mains de paysans.

Des outils qui transpercent, déchirent, fendent, arrachent, coupent, défoncent, cassent, brisent... la terre est dure, rebelle...il faut la violenter, la vaincre, la dompter, l'assagir, l'asservir, et ce n'est pas sans risques!

N'empêche qu'on leur trouvera, tout en réprimant un petit frisson, vu leur étrange filiation, une inquiétante mais néanmoins authentique beauté.

En vérité, de cette guerre sans cesse recommencée au gré des saisons, il n'y aura ni vainqueur, ni vaincu, mais une commune victoire : la récolte à venir!

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°8

vendredi, 04 octobre 2013

La continuité des formes et leur symbolisme dans les objets et outils traditionnels, 3

 

 

 

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L'outil

 

 

"L'homme devint intelligent le jour où, ayant envie de fabriquer quelque chose, il inventa pour ce faire le premier outil, sous le regard attendri et émerveillé de Dieu" a dit le poète.

 

L'outil est le prolongement de l'esprit, la mise en pratique d'une réflexion, d'une découverte, d'un besoin, d'une invention...

 

Le premier outil était-il une arme? La première arme, un outil? L'homme des cavernes qui fabriquait des pointes de flèches, des récipients, des ustensiles rudimentaires avec sa hache de pierre, devait s'en servir également pour se défendre, pour chasser, c'est l'évidence même. Pendant des siècles l'outil remplit les deux fonctions et sa forme s'est perpétuée jusqu'à nos jours. La différence est essentiellement dans la qualité des matériaux pour sa fabrication. Autrefois, on fabriquait solide.

 

Les outils devaient durer toute une vie, une ou plusieurs générations. On les transmettait précieusement à ses héritiers quand ils en valaient encore la peine. On en a retrouvé la trace dans les vieux actes notariés, dans les inventaires des pauvres, biens légués en héritage par les laboureurs et soigneusement consignés et décrits par le notaire ou son clerc, ce qui leur posait quelquefois problème quant à leur définition.

 

  Quand un outil était vraiment usé, on en bricolait un autre avec ce qu'il pouvait en rester d'utilisable.

 

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°8

mardi, 17 septembre 2013

La continuité des formes et leur symbolisme dans les objets et outils traditionnels, 2

 

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Le mancheron de la charrue

 

J'ai eu l'honneur de recevoir au musée un des pères de l'agriculture biologique. Au cours de la visite il me désigne avec surprise un des araires de ma collection: " Vous avez là, me dit-il, une pièce évocatrice et très précieuse: une charrue templière initiatique!". Je n'ai pas eu sur le moment la bonne idée de lui en demander davantage. Mais m'en aurait-il dit davantage...?

 

Plusieurs années plus tard, Madame C., professeur à l'Université de Genève, au cours d'une visite du Musée semble tout à coup pareillement intriguée par le fameux araire. Cette fois-ci, je n'ai pas laissé passer l'occasion d'en savoir un peu plus:

"Le mancheron de l'araire est le même que celui des araires de la Haute Egypte, m'a-t-elle appris, dont on a utilisé la forme, le signe, le sigle dirions-nous aujourd'hui, pour désigner l'amour (AM-R) : deux choses qui se réunissent pour n'en former qu'une seule". N'oublions pas que la charrue est le symbole de la fécondité, voire de la virilité.

 

Une première remarque : le soc est neuf, son bâti, son cep ornés. Le mancheron par contre est usé, poli par l'usage et, de plus, ne semble pas avoir été rapporté.

 

Une deuxième remarque : le fameux mancheron est peu pratique à l'usage. Étriqué, il ramène les bras le long du corps au lieu de les écarter, ce qui a pour effet d'enlever toute force aux bras qui le maintiennent.

-Le Temple disait qu'une seule science pouvait être livrée au peuple dans son entier : l'agriculture, parce qu'elle est une science pacifique.

-Le mancheron était simplement tenu : une prise de courant tellurique, une connexion, une position, une attitude initiatique...?

-Il existe bien des simulateurs de vol, de conduite automobile, pourquoi n'y aurait-il pas des simulateurs de labour?

-Si cela est pensable à défaut d'être vérifiable, cette pratique devait s'adresser à des initiés, réceptifs à l'enseignement, aptes à recevoir la connaissance, bref, en état de grâce.

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°8