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mercredi, 11 mai 2016

Du patois au galimatias. (Lettre à madame Vallaud-Belkacem)

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Il fut un temps, préhistorique pour les jeunes générations, disons fin XIXe -XXe siècle, où l'École Républicaine avait l'ambition d'apprendre à tous les petits français la langue de leur pays. Le but n'était pas de faire de chaque enfant un futur académicien mais qu'il maîtrise l'orthographe, la grammaire et le vocabulaire de base. Le prix à payer fut relativement lourd pour les enfants du peuple : l'abandon de leur langue natale, régionale, c'est-à-dire leur patois. 

En ce temps là, la République n'y allait pas de main morte : s'ils parlaient le patois à l'école, les récalcitrants subissaient des sanctions qu'on jugerait aujourd'hui humiliantes, comme le raconte le Breton Pierre-Jakez Hélias dans Le cheval d'orgueil, récit de son enfance publié en 1975.

Il faut relire aussi cette anecdote pleine d'humour racontée par Bernard Lacroix : les écoliers savoyards avaient du répondant!

Les méthodes coercitives de l'École d'antan furent efficaces. Dans toutes les régions de France on intériorisa l'idée que parler le patois c'était arriéré, demeuré, "plouc". Les patois devinrent, comme le grec et le latin, des "langues mortes".

Toutefois, depuis les années 70, l'émergence de courants régionalistes a favorisé la prise de conscience de la richesse des langues régionales et, dans plusieurs régions de France, celles-ci sont désormais enseignées à l'université en même temps que la mondialisation tend à faire disparaître de nombreuses langues. Vous pouvez constater ici que notre langue, le francoprovençal ou Arpitan, dont nos patois savoyards sont dérivés, est en danger.

Pourtant, on peut penser que l'apprentissage des langues régionales pourrait favoriser l'intérêt, le goût pour les langues. Songeons à l'exemple du grand poète et fabuleux polyglotte Armand Robin qui, pendant les sept premières années de sa vie ne parla que le fissel, un dialecte breton.

Aujourd'hui, l'École de la République prend un chemin inquiétant, voire angoissant, celui du mépris des enfants du peuple qui n'ont pas droit à un enseignement de qualité, à l'éducation par l'effort, à l'accès à des cultures savantes. La réforme des collèges 2016 fait disparaître l'enseignement du grec et du latin, pour ne citer qu'un exemple de son catastrophique programme. Quant à la réforme de l'orthographe... mieux vaut en rire qu'en pleurer, et apprendre à la maison, à nos enfants ou petits-enfants, l'orthographe si complexe de notre belle langue pour leur laisser la chance de pouvoir lire un jour nos poètes, écrivains et penseurs. Du patois que la République a voulu jadis éradiquer, on va tout droit au galimatias pour tous comme le suggère cette lettre hilarante à madame la ministre de l'Éducation Nationale que Jean-Claude Fert m'a envoyée. Un grand merci à lui.

 

Élisabeth Bart-Mermin

 

 

CHAIR MADAME VALLO BELLEQUASSEME

 

Najat, vous perméter que je vous appel Najat, in? Je suis comptant. Je suis d'accort à sans pour sans avec la raiforme de' lortograf. Enfaim kelk 1 qui nous a comprix. Je nan pouvez plus du prof de fransé qui nous parle toujour de Cornaye, hauteur qui est deja maure. Moi qui n'arrive pas a terminet le dernier Musso! Il paré que vous avez soustenu la téaurie du janre. Cé quoi sa? Abiyer les garsons en fille? Vous dépasser les baurnes. Mais vous avez rézon. Les maux sont trot conpliké. Tous ses axan nainportou, c'été une turi. Depui la maternaile, les dictez son mont cochemarre. Heureuseumand que les naute ont tété suprimais. Avent, javez des bultains grave. Vous avez changer toussa. An plusse, sur Kanal vous aitié vrémant jantyee avaique un barebu. Par pitiez, ne féte pas come votre colaig Kristiann Tobiraz, ne kiter pas le gouvairnemans. J'éme bocou votre sous-rire. Dézormai, il est clair mes journez. J'avous , il y a des foies ou je saiche les colles. Ne le raipété pas a ma maire. Elle manpecheraie de regerdez Ze Voillece. Sept un secré entre nous.

Vous aite la mayeure ministre. Mairsi de nous zanlevez cé trés d'union qui son tinutil.

Jé une favœur a vous deuxmandez. Mintenand, je voudré fer 1 staje dans vos buros rue de Grrrnell. Vous savet, grasse avou, je vé bientaut avoir mon back lé doa dans le né. Cé mairvéyeu. Sa cera un trait bo kado pour mé 23 zan.

Je vous quiffe.

 

 

lundi, 21 avril 2014

Les plantes communes à nos talus, champs et jardins

P1010341.JPG

Photographie de J-N Bart

 

 

 

 

 

Cet inventaire odorant et savoureux mêle des termes de notre patois savoyard (qui appartient au francoprovençal ou arpitan) à des sabaudismes, mots ou tournures fréquemment employés par les savoyards encore aujourd'hui. Bernard Lacroix qui a réalisé plusieurs collectes linguistiques de ce type,  ne parle pas lui-même le patois lequel a commencé de disparaître à la fin du XIXe siècle. Nous reviendrons dans d'autres articles sur notre langue régionale que Marc Bron, président des enseignants de savoyard ou Joël Baud-Grasset, conseiller général de la Haute-Savoie, défendent avec passion.

EBM

 

*

 

Marcoret : mercuriale

Riolle : liseron

Cinquième ( cinq lobes à la feuille) : potentille

Sagne-nô (agit sur le sang) : achillée mille feuilles

Chapelet ( qui a des bulbilles sur les racines) : chiendent

Grammont : grand chiendent

Frénale ( aux racines entrelacées) : podagraire

Ouigne-pé (qui tire les cheveux): bardane

Sévenot : ravenelle ou moutarde

Pia-peu : renoncule pied-de-poule

Peuble (épinard sauvage): chenopode ou anserine

Lapai : rumex

Quawe de rnô : amaranthe queue de renard

La quawe : prêle

Taconnet *: tussilage

Ràna-bu (ses épines découragent le bœuf qui voudrait la manger) : bugrane

Carquevalle ( elle fait un bruit de grelot quand on la fauche) : rinante-onomatopée

Patte d'ours : berce

Pelagra : sainfoin

Minette : luzerne lupuline

Triolet: trèfle

Le triolta : touffe de trèfle blanc

Fenasse : haute graminée

Bâche ou lichen (pour empailler les chaises) : carex

R'baye me vi (qui résiste à la faux) : finette

                                          dans le grand herbier du temps!

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée nº6

 

*

 

* Dans le patois de Saxel, le taconnet ( tussilage en français) se dit takunè.

Proverbe :

Sé k a de la tèra a takunè

an a tozhœ trè ;

sé k a de la tèra a pyapœ

n an jamé prœ

Celui qui a de la terre à tussilage

en a toujours trop ;

celui qui a de la terre à pied de poule

n'en a jamais assez.

 

Le patois de Saxel,J.Dupraz ( Éditions Les Belles-Lettres, 1969)