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samedi, 06 février 2016

L'eau, 2

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Le lac Léman vu de l'intérieur du château de Chillon*

(Photographie de Jean-Nicolas Bart)

 

 

 

 

Rappel :

L'eau éternelle

L'eau,1

 

 

Nos lacs

 

 

Pour ce qui est des lacs, nous sommes gâtés : le lac d'Annecy, le lac Léman, le lac du Bourget et d'innombrables lacs semés dans les massifs comme des poignées d'émeraudes. Les touristes connaissent bien les trois grands, ceux d'en bas, beaucoup moins ceux d'en haut, récompense du marcheur amoureux du silence et des randonnées solitaires. Quand le soir viendra, il ne se lassera jamais de contempler le grand final de ce spectacle unique qu'est la tombée de la nuit sur les lointains embrasés, l'abandon glorieux d'un soleil combattant jusqu'au dernier petit rayon, devant les falaises revêtues de parures aussi somptueuses qu'éphémères, témoins impassibles et blasés de joutes où le vaincu du soir sera le vainqueur du matin.

 

Les lacs attirent les poètes, c'est bien connu. Rousseau,  Lamartine, Byron*, Anna de Noailles... fréquentèrent nos rivages et se laissèrent aller à des envolées d'un lyrisme débridé. Si l'eau éteint le feu, elle attise l'inspiration et enflamme l'imagination. Elle a un effet contraire sur l'organisme de l'indigène riverain qui, pour excuser son indolence, évoquera son côté sédatif, il appelle ça : "la molle du lac". Mais cette dernière n'altère en rien la réflexion et la prédisposition naturelle de tout un chacun au romantisme, même s'il semble de nos jours bien anachronique. Un coucher de soleil est encore un gros succès populaire avec ses couleurs pas toujours de bon goût, ses relents de frites estivales, ses vents sucrés, ses feux de rampe dignes de l'Alcazar. Et puis ça ne coûte rien.

Les plus beaux couchers de soleil se dégustent en novembre-décembre, quand le ciel s'est débarrassé des brumes de chaleur qui font un écran à sa limpidité. Le spectacle est court mais grandiose. Une petite bise acide chassera vos nostalgies jusqu'au bistrot dont on devine la lueur sur le quai désert. Alors, en fermant les yeux et avec un peu d'imagination, pour peu qu'un accordéon soit lui aussi de passage, vous aurez la délicieuse impression de jeter l'ancre dans un bouge de Hambourg, Amsterdam ou Valparaiso... Il n'est pas défendu de rêver.

 

 

Bernard Lacroix, Mémoire des jours (Bias, 1990)

 

 

* C'est le château de Chillon qui a inspiré à Byron ( 1788-1824), l'une des figures de proue du Romantisme, son poème Le prisonnier de Chillon.

 

 

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