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jeudi, 03 avril 2014

Papillon de nuit

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Papillon de nuit

Je cherche désespérément la lumière

Et puis, quand elle est là,

Trop fatigué pour la prendre,

Je m'endors.

 

Bernard Lacroix, L'herbier du temps

mardi, 01 avril 2014

Le papillon

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Partagé entre le jour et la nuit,

Indécis, inconstant, instable...

Le papillon butine sa propre substance.

 

Hésitant sans cesse contre la mort et la vie :

Ainsi va de fleurs en fleurs

L'âme factice du papillon.

 

Bernard Lacroix, L'herbier du temps

mercredi, 22 janvier 2014

Le Baroque Savoyard, 2

 

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Première de couverture, Savoie Baroque ( Éd. La Fontaine de Siloé, 1998)

 

 

 

 

Provocateur, impertinent et plein d'humour, le poème de Bernard Lacroix, Le Baroque Savoyard n'en saisit pas moins l'essentiel de ce grand courant artistique. Le génie de l'art baroque réside dans l'équilibre des contraires, l'harmonisation des contradictions. Né de la Contre-Réforme, elle-même issue du concile de Trente, dans la seconde moitié du XVIe siècle, cet art essentiellement religieux, même si on le retrouve du XVIe au XVIIIe siècle dans le monde profane, oppose à la nudité des temples protestants la profusion sensuelle évoquée dans le poème:

 

" Des saints ripolinés

Des saintes alanguies

 

Des vierges aux joues roses

Et aux lèvres cramoisies [...]

 

Des angelots si dodus

Qu'on a envie de leur mordre les fesses"

 

L'art baroque religieux ouvre une voie spirituelle qui passe, paradoxalement, par la jouissance des sens grâce à la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique. Au lieu de refouler la sensualité comme tend à le faire le puritanisme protestant ( d'où le puritanisme toujours vivace aux États-Unis), il la sublime, l'élève vers ce que Cristina Campo nomme les sens surnaturels (1). Au lieu de condamner la chair, il la glorifie notamment par l'anthropomorphisme : les démons et les anges prennent forme humaine de sorte que s'équilibre la balance entre les instincts, les pulsions pour le dire dans la langue "psy" contemporaine, et le grand désir de l'âme. 

 

" Le retable baroque

C'est le combustible de la foi

C'est le feu où l'âme se réchauffe en Dieu

C'est l'âtre du cœur!"

 

Cette métaphore finale traduit la profonde sensibilité du poète à la spiritualité du Baroque Savoyard, spiritualité qu'il ne retrouve pas dans "les églises nues et froides comme des garages à voitures" d'aujourd'hui.

 

*

 

Si l'art baroque s'est développé dans une grande partie de l'Europe du XVIe au XVIIIe siècle, il est relativement rare en France où prédomine, à la même époque, l'art dit "classique". Pourquoi s'est-il développé en Savoie et Haute-Savoie? Quelles sont les caractéristiques du Baroque Savoyard, quelle spiritualité exprime-t-il? Un magnifique ouvrage, sur lequel nous reviendrons, répond à ces questions : Savoie Baroque, sous la direction de Dominique Peyre. (cf. l'illustration ci-dessus)

 

On peut esquisser une première réponse, avec l'historien Roger Devos:

" Dans le grand conflit religieux du XVIe siècle, la Savoie occupait une position stratégique. Entre Genève, Lyon et les vallées vaudoises, elle semblait devoir être gagnée rapidement à la Réforme. Il n'en fut rien, et elle devint au contraire une des citadelles de la Contre-Réforme barrant la route de l'Italie à la foi nouvelle, un de ces points où, à la fin du XVIe siècle, se marque l'arrêt et commence le reflux du protestantisme jusque là triomphant."(2)

Le Baroque Savoyard est donc issu d'une renaissance du catholicisme alors que dans la même période historique, le gallicanisme de Louis XIV et le culte rendu au Roi-Soleil ont engendré l'art classique français.

C'est dire aussi que le Baroque Savoyard, nous le devons en grande partie à notre cher François de Sales.

 

Élisabeth Bart-Mermin

 

Notes:

(1) Cf. Cristina Campo, Sens surnaturels in Les Impardonnables ( Gallimard, coll. L'Arpenteur, 2002)

(2)Roger Devos, Un nouveau catholicisme in Histoire de la Savoie ( Privat, 1973) p. 260.

 

 

 

 

 

 

vendredi, 03 janvier 2014

Le Baroque Savoyard,1

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Vierge à l'enfant, église de Queige (Beaufortin)

 

 

 

En introduction à une série de notes à venir sur le Baroque Savoyard, ce poème de Bernard Lacroix.

 

 

 

 

Allez vous faire foutre

Avec votre Dieu "point gamma"

Vos curés qui militent à la CGT

Vos églises nues et froides comme des garages à voitures

Je veux pour mon éternité:

 

Des saints ripolinés

Des saintes alanguies

 

Des vierges aux joues roses

Et aux lèvres cramoisies

 

Des bienheureux "top model"

Des apôtres bien alignés

Qui mangent proprement à la Sainte Table

 

Des démons trop méchants pour être vrais

Des angelots si dodus

Qu'on a envie de leur mordre les fesses...

 

Je veux un ciel de la Contre-Réforme !

 

Le retable baroque

C'est le combustible de la Foi

C'est le feu où l'âme se réchauffe en Dieu

C'est l'âtre du cœur !

 

Bernard Lacroix (1998)

mardi, 03 décembre 2013

Novembre

 

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Novembre, gouache de Bernard Lacroix





Une cloche,

Heurtoir du temps,

Assène ses coups d'airain

Sur un paysage qui résonne comme une maison vide.


Dieu s'en est allé vers des cieux plus cléments.

Le jour lassé lui aussi s'en va...

Ici-bas,

Seule la mort est fidèle.


Bernard Lacroix, Ciels, arbres et labours

samedi, 30 novembre 2013

Les fleurs sous la glace

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Ah! Si l'on pouvait ainsi

Conserver pour toujours

Les couleurs de la vie!


Mais l'hiver va bientôt

Desserrer son étreinte


Il ne restera des fleurs

Que quelques traces

Insipides et douteuses.


Il en est de même de la jeunesse

Que le temps qui passe entraîne

Dans un tourbillon illusoire


Et puis en rejette

Petit à petit

Les restes dérisoires.


Les souvenirs s'éteignent


Mais à quoi bon les mots :

On n'a plus besoin de comprendre!



Bernard Lacroix, Redoux



jeudi, 28 novembre 2013

Le Noël des animaux

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Marc Chagall, Nativité





En ce temps-là

L'enfant Dieu

L'enfant Roi nouveau né

A voulu pour sa gloire :

 

Un âne commun

Peut-être un rat dans un coin

Des agneaux fragiles

Des chèvres primesautières

Des poules affairées...

 

Un instant posés

Reposés

Devant le miracle achevé

 

Depuis le temps

Que leur sang coule

Pour des cultes abominables :

 

Des vaches

Tendant presque tendrement leur cou

A des lames implacables

Des poulets égorgés à coups de dents

Des chiens, des chats, des lapins, des singes...

Torturés, dépecés savamment

Au nom de la science !

 

Jésus, en naissant dans une étable

A voulu d'abord libérer les animaux

De la férocité des hommes

Et des dieux cruels.

 

Et pourtant

Lui-même n'y échappera pas :

On voit dans le lointain

Devant l'horizon en feu

Une forme prémonitoire :

Un arbre mutilé

Qui ressemble à une croix

 

Bernard Lacroix, Redoux

mercredi, 27 novembre 2013

Gilbert et Bernard Lacroix, deux frères musiciens

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Photographie JN Bart






Déjà juillet


Déjà juillet sous ma fenêtre

Pour me narguer compte les jours

Il est grand temps que je regrette

Dieu que ça donne le cœur lourd!


C'est mes cheveux, c'est ma jeunesse

De traîne la vie, de crève l'amour

Qui partent sans laisser d'adresse

Déjà juillet compte mes jours.


La bise est forte, le vent tonne

Déjà on enterre l'été

Le charme porte la couronne

Le chêne roux porte le dais.


Le sentier des folles promesses

Nous le prendrons si tu le veux

Nous écrirons notre jeunesse

Sur l'arbre de nos jours heureux.


Viens, puisque l'été nous rassemble

L'automne bientôt reviendra

Profitons des beaux jours ensemble

Car Dieu sait le temps qu'il fera


Quand le vent poussera ma porte

Nous serons là, tous deux pensant

Aux souvenirs des saisons mortes (ou "amours mortes")*

Où sont donc les neiges d'antan? ( ou "mais où sont les neiges d'antan?")*


Bernard Lacroix.



* Variantes de Gilbert Lacroix (1931-1996)


*


Ce poème écrit par Bernard fut mis en musique, dans les années 50, par son frère Gilbert qui le modifiait selon ses humeurs.

Chanteur, compositeur, guitariste, Gilbert composait aussi ses propres chansons, telle Les Croix qui résonnait comme une prière, dont il ne nous reste, hélas, que très peu d'enregistrements. Ceux qui l'ont connu se souviennent de sa belle voix de ténor...

Á Lyon, où il vécut à partir des années 60, il fut chef de chœur d'une chorale tout en poursuivant une carrière de chanteur et guitariste amateur.

Dans les années 50, les deux frères avaient formé un groupe musical avec Gilbert à la guitare, Bernard au piano et d'autres musiciens selon les occasions.

Ces deux frères musiciens appartiennent à la génération des appelés en Algérie. Le deuxième quatrain de Déjà juillet y fait allusion : une jaunisse, suite au choc provoqué par les horreurs de la guerre dont il avait été  témoin en tant que photographe au bureau de renseignement de l'armée française, fit perdre à Bernard tous ses cheveux blonds en l'espace de quelques jours. C'est pourquoi pendant longtemps, lui qui était auparavant frisé comme un mouton astrakan, signa ses peintures Le Chausve.


EBM




mardi, 10 septembre 2013

Qui je suis...

 

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Photographie JN Bart






Je suis un montagnard

Qui a le vertige

 

Un marin

Qui a le mal de mer.

 

Je suis un homme du bas

Je suis un homme du port.

 

Je regarde !

 

Mais je n'aime pas les cimetières :

Je ne veux pas savoir où sont mes morts.

Mes héros sont dans l'horizon.

 

Adieu Tabarly !

 

Bernard Lacroix, Redoux

jeudi, 01 août 2013

La vieille fille

 

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Georges Rouault, Femme (1959)

 

 

 

 

 

Elle aurait tant désiré un mari

Des enfants : trois ou quatre

Disait-elle !

 

Mais la vie qui n'en a rien à foutre

Ne l'a pas voulu ainsi.

 

Un beau jour

Elle est tombée malade

 

Gravement malade :

Neuf mois

Juste neuf mois

Ni plus ni moins,

 

Enceinte

Et puis accouchant

De sa propre mort.

 

Bernard Lacroix, Redoux