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mercredi, 20 août 2014

Soleil

des paysages des saisons des jours des heures

Soleil du matin, huile de Bernard Lacroix

 

 

 

 

Le soleil du matin prend ses aises, partage en deux le village étonné, donne des couleurs à l'ombre, puis part se reposer. Le village s'anime, portes et volets vont s'ouvrir, libérant l'école des enfants, en pèlerine, capuchon et écharpe de grosse laine.

Dans les étables, on donne la première fourchée de foin au bétail : partout des bruits de seaux, de sabots, de brouettes, l'immuable quotidien, la vie qui s'enroule autour du jour et des saisons.

Petit à petit, les chandelles s'éteignent, les feux se calment, la nuit s'en va, avec son plein de rêves.

Il reste un morceau de jour derrière la montagne :

il fera beau demain.

 

 

Bernard Lacroix, Des paysages, des saisons, des jours, des heures... (2014)

mercredi, 06 août 2014

A jamais

moulin des esserts

Le moulin des Esserts à Lully

(Photographie Hubert Le Goff)

 

 

 

 

 

J'ai retrouvé le vieux moulin des Esserts

Où nous allions si souvent jouer

Au bord du Foron.

La grosse pierre est toujours là,

Au milieu de la rivière.

Tu t'y asseyais pour rire,

Je riais à mon tour

De ton visage par l'eau déformé.

 

J'ai senti,

Tout à coup,

Quelqu'un qui s'approchait.

J'ai fermé les yeux comme si tu allais

Y mettre tes deux mains et me dire :

– Devine?

 

Il doit rester de la jeunesse

Des choses blotties dans les recoins du temps :

Un bout de robe blanche,

Un ruban défait,

Des miettes de dimanche qui attendent

Que les souvenirs les délivrent soudain

Et qui s'en vont de l'autre côté de la vie,

 

Á jamais!

 

 

Bernard Lacroix, Reflets oubliés

mercredi, 30 juillet 2014

Les bœufs et les locomotives

locomotive vapeur.jpg

 

 

 

 

Rondet*, Juillet, Marquis, Baron... c'était le nom des grands bœufs de par ici. Enfant, deux choses me faisaient courir pour les voir : les bœufs et les locomotives à vapeur. La même puissance obstinée, la même haleine épaisse, les mêmes traces rectilignes après leur passage, la même poésie nostalgique d'un spectacle à la fois terrible, unique et désuet, sur lequel se refermait le grand rideau du silence.

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°2

 

 

* D'après le légendaire savoyard, Rondet était le nom du bœuf témoin de la naissance du Christ.

mercredi, 23 juillet 2014

Fin de jour

Rouault , sunset.jpg

Georges Rouault, Coucher de soleil

 

 

 

 

 

Un petit nuage buissonnier

Le play-back d'un rossignol sur le retour

Le claquement d'une porte qui ne veut plus du jour

Un bruit d'ailes froissées...

 

Petits restants d'une journée triste

Qui se délitent

A l'orée du cœur.

 

 

Bernard Lacroix, L'herbier du temps

dimanche, 20 juillet 2014

Petit matin

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Photographie JN Bart

 

 

 

Un clocher

Un arbre

Entre les deux :

Le temps qui passe...

 

Quand la nuit tombe

Les ailes sont noires

Les bruits honteux...

 

Mais il y a toujours dans un coin du ciel

Un morceau de jour qui veille :

Levain de lumière.

 

Il y a toujours un petit vent

Prêt à attiser

Les braises du soleil.

 

Il y a toujours

Un chant d'oiseau

Recueilli par une feuille complice

 

Et qui va

Soudain

Donner un nom

Aux premières notes de la vie.

 

 

Bernard Lacroix, Redoux (Édition Le Carré)

 

 

lundi, 14 juillet 2014

Préface du recueil "L'herbier du temps"

l'herbier du temps, andré depraz

 

 

 

La poésie se moque volontiers de la richesse et du clinquant ; elle erre à sa façon et se pose, comme l'esprit, quand elle en a envie. Manifestement elle est présente dans cette modeste plaquette, mélange savoureux de solennité et de familiarité, de rythmes élémentaires liés aux saisons et de gestes quotidiens. Douce et embuée, elle est convaincante, ancienne et hors de toute théologie, se dégageant de l'usure des paysages, innocente, acceptant la profondeur et l'ombre.

 

L'écriture de Bernard Lacroix est candide, avec un rien d'accent, sa voix est murmure dans une sorte de conversation lente, sans cris et sans refrains, sans éloquence et sans lyrisme. Elle possède un ton particulier que les contes prêtent volontiers aux vieux sages campagnards ou aux bergers des alpages, hommes solitaires, calmes, peu pressés, humbles et nobles.

 

Le poète semble remonter le temps pour aller à la source des choses quand le cœur fait alliance avec les objets les plus ordinaires, quand il dit la neige légère ou l'oiseau, quelques semblants de feuilles à peine ou le chant têtu qui sourd des fontaines, distillant de vagues arômes d'archaïsme qui nous rappellent le monde agreste.

 

Pour éviter le froid du cœur, la poussière qui recouvre l'âme et la mort spirituelle, Bernard Lacroix nous invite à revenir à l'humble réalité. Ainsi ses poèmes sont volontiers prières d'où se dégage une sorte de piété née d'une confiance tranquille, et qui ne tient en rien à la peur du néant.

 

Fouineur du passé, conservateur du patrimoine, officiant d'un rite mystérieux, le bonhomme se retrouve tout entier dans ses poèmes. En cette fin de siècle, le ton pourrait apparaître comme un défi s'il n'était pudeur et humilité, voire nostalgie, car le grand herbier du temps s'est desséché et la montagne n'est peut-être plus ce qu'elle était.

 

 

André Depraz, Préface du recueil L'herbier du temps de Bernard Lacroix ( Édition Art et Folklore-Musée de Fessy) 

vendredi, 11 juillet 2014

Les enfants

 

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Photographie JN Bart

 

 

 

 

Les enfants me font peur :

Je vois en eux plus souvent

Les démons que les anges.

 

La vipère guette près des eaux limpides.

La souillure étant son ordinaire,

C'est dans la pureté de l'âme

Que le diable fait son nid douillet.

 

 

Bernard Lacroix, L'herbier du temps.

samedi, 05 juillet 2014

Nernier

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Nernier, 25 juin 2014

(photographie JN Bart)

 

 

 

Sur le lac fleuri d'anémones mouettes

Et de cygnes lys,

Les rosées tissent

Un point d'azur et de brume.

L'éclair noir d'une hirondelle attardée

Vient seul troubler les transparences subtiles :

Octobre sera beau!

Lamartine, j'ai marché mes "Cent jours",

Je veux me reposer un instant

A l'ombre de ce clocher byzantin

Qui m'écorche

En grandissant dans mon cœur.

 

Bernard Lacroix

 

dimanche, 29 juin 2014

Fin de jour d'été

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Soir d'été, Reyvroz, Juin 2014

(Photographie JN Bart)

 

 

 

 

Sur le couchant

Des feuillages immobiles

Imaginent le soir

 

Les bruits se lassent.

Le gravier crisse

Sous des pas incohérents :

Quelqu'un vient

Et s'en va à la fois...

Je n'attends personne.

 

Dans la maison

Il y aurait des choses à faire?

 

Le matin peut attendre.

La nuit qui vient

Mettra de l'ordre dans tout ça.

 

Je me sens bien assis.

Il faudrait que le piano joue seul

Mais avec mes doigts

Histoire de voir ce que ça donne :

Bach peut-être?

 

Mais à ce moment du jour

Plus sûrement Debussy.

 

Pendant ce temps

La porte indécise

Zappe le soleil.

 

 

Bernard Lacroix, Redoux ( Le Carré, 1998)

mardi, 15 avril 2014

Brumes

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Ne cherchez pas à savoir ce qu'il y a là derrière :

Peut-être des maisons blotties

Autour d'un clocher qui tressaille...

 

A coup sûr une montagne

Qui ne voit plus rien de la plaine et des hommes.

C'est à chacun son tour d'avoir peur!

 

 

Bernard Lacroix, L'herbier du temps