dimanche, 24 décembre 2017
Noël
Frères Le Nain (XVIIe siècle), Nativité
Rappel:
Noël ou le mystère de l'Incarnation dans la poésie de Bernard Lacroix
Voici venue...
Voici venue joyeuse veille
De la naissance de Jésus.
Dans les chemins tournant ma vielle,
Je vais vous la chanter dessus :
Holà nos gens! Fermiers! Bourgeois!
Ventres garnis! Bonnes figures!
Jetez vos beaux habits de soie
Et filles folles vos parures!
Par grande nuit, grande gèlure,
Le bel enfant, le fils du Roi,
N'avait ni drap, ni couverture,
Pour réchauffer ses petits doigts.
Bernard Lacroix, Au Vent Mûrieux
Joyeux Noël à tous!
07:00 Publié dans L'œuvre poétique de Bernard Lacroix, Noël dans la poésie de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie de noël, noël ou le mystère de l'incarnation | Imprimer |
samedi, 16 décembre 2017
L'automne dans la poésie de Bernard Lacroix
Chanson d'automne
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deça, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens (1866)
Automne
Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d'automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s'en allant là-bas le paysan chantonne
Une chanson d'amour et d'infidélité
Qui parle d'une bague et d'un cœur que l'on brise
Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'été
Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises
Guillaume Apollinaire, Alcools (1913)
*
L'automne est un thème récurrent dans la poésie française, peut-être parce que c'est une saison multiple sous nos cieux de climat tempéré, la saison des soirs doux et dorés de septembre et d'octobre, celle des frimas de novembre et décembre, la saison des récoltes, des arbres aux somptueuses couleurs puis des feuilles mortes, celle de la "rentrée", de toutes les rentrées. Des générations d'écoliers, dont Bernard Lacroix, ont appris à l'école les poèmes sur l'automne de Maurice Carême et Lucie Delarue-Mardrus. De Théophile Gautier à Guillaume Apollinaire, en passant par Paul Verlaine dont la première strophe de la Chanson d'automne fut choisie par Radio Londres pour annoncer le débarquement en Normandie, poème qui inspira aussi la chanson Je suis venu te dire que je m'en vais de Serge Gainsbourg, les plus grands poètes ont chanté l'automne.Du poème de Verlaine, Gainsbourg a retenu la mélancolie des adieux et la nostalgie des amours mortes, états d'âme liés à la fuite du temps.
De même, si l'automne a inspiré de nombreux poèmes de Bernard Lacroix, c'est parce qu'il n'est pas seulement un phénomène naturel, mais avant tout une "saison mentale" (1) comme l'écrit Guillaume Apollinaire. Ces deux poètes ont en commun une sensibilité particulière au temps qui passe, à l'irréversibilité du temps que symbolise l'automne dont les jours déclinent jusqu'au solstice d'hiver.
*
Toutefois, les poèmes de Bernard Lacroix comme ceux d'Apollinaire donnent d'abord une vision réaliste voire prosaïque de l'automne, saison des labours sous la brume. Apollinaire peint un saisissant tableau automnal de l'ancien monde rural dans ce tercet dont le rythme traduit la lenteur et la peine du paysan :
Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d'automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
On retrouve l'association de la brume et des labours en automne dans ce poème de Bernard Lacroix qui évoque un no man's land où les contours du paysage s'effacent:
La brume se repaît des labours neufs.
On ne sait plus rien ni du ciel, ni du lac.
Dans le poème d'Apollinaire, le brouillard enveloppe le monde de mystère, comme si les deux "silhouettes grises" s'en allaient vers un autre monde, un autre temps. Dans Octobre à Nernier de Bernard Lacroix, c'est le poète qui disparaît derrière la brume, et dans sa solitude, se dévoilent "les reflets oubliés" ( titre du recueil où figure ce poème ) du paysage enchanté de l'été:
Je suis là,
Derrière le rideau cuivré de la brume,
Là où s'attardent les reflets oubliés,
Là où les cygnes,
Brebis du lac,
Paissent le regain bleu des risées.
Mais la brume automnale détient aussi le pouvoir magique de révéler les saveurs, les parfums et les sons que la terre a engrangés à la belle saison. Ainsi le poème Saveurs exalte un bonheur sensuel où se mêlent la musique des clarines et des torrents, l'odeur du lait et des foins et le goût du fromage. La sensualité de l'automne se fait plus prosaïque dans Arrière-saison où l'odeur du chou dans la maison relègue dans le lointain brumes et frimas:
Il n'y aura que la fumée
Pour se souvenir de l'étendue des labours,
Des vols mouillés,
Des vents épais,
Des brumes offertes,
Des grands cris perdus de la montagne.
Il se peut que l'automne décrit avec réalisme par Bernard Lacroix vienne à disparaître, avec le réchauffement climatique. Les générations futures connaîtront-elles la brusque métamorphose de la nature, qui passe des couleurs rutilantes d'octobre à la grisaille de l'hiver, qu'évoque le poème Fin d'automne?
Hier encore Octobre rutilait.
Il a suffi d'un coup de vent
Pour que l'hiver,
D'un seul coup,
Étale sa morne uniformité.
Quels que soient les bouleversements météorologiques à venir, la rotation de la terre autour du soleil ne changera pas, l'automne dans l'hémisphère nord restera la saison du printemps dans l'hémisphère sud. Le paysan a toujours su qu'il ne pourrait rien changer à l'ordre du cosmos, que celui-ci ne dépend pas de lui, le dépasse, et qu'il faut accepter le déclin des jours comme le dit cet Octobre :
Il faut laisser le jour à d'autres.
Ce n'est pas la nuit qui tombe,
C'est la lumière qui s'en va.
*
Dans la réalité terrestre, l'automne est autant la saison sensuelle et joyeuse des vendanges, des récoltes, des forêts aux couleurs éclatantes que celle des brumes, des feuilles mortes et du jour déclinant mais la"saison mentale" d'Apollinaire et de Bernard Lacroix correspond au versant mélancolique de cette ambivalence. Le motif des feuilles mortes, récurrent chez Apollinaire, devient la métaphore des mains de l'amante perdue, des amours mortes, par exemple dans Signe (1) ou dans Rhénane d'automne:
L'automne est plein de mains coupées
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des chères mortes
Ce sont tes mains coupées
Dans la poésie de Bernard Lacroix, l'automne porte également l'imaginaire de la mort, tel cet Octobre où il est personnifié à travers la métaphore des feuilles pourrissantes comparées à des métastases:
On devine déjà dans les taillis
Ça et là
Les métastases de l'Automne.
Le mois de novembre, auquel Bernard Lacroix consacre deux poèmes, symbolise tout particulièrement le sentiment du temps qui passe, de la finitude qui constitue notre condition humaine. La vie semble abandonner le monde, le "paysage résonne comme une maison vide" écrit Bernard Lacroix dans ce Novembre, et Dieu lui-même semble avoir abandonné les hommes:
Dieu s'en est allé vers des cieux plus cléments.
Le jour lassé lui aussi s'en va...
Ici-bas
Seule la mort est fidèle.
Et dans cet autre Novembre, le poète envisage sa propre mort à travers une touchante méditation où il accepte de s'effacer pour laisser la place à d'autres vies, consent humblement à sa finitude.
D'ailleurs la mort n'a pas le dernier mot dans l'Automne de Bernard Lacroix qui conjure la mélancolie par le souvenir. La dernière strophe de cet Automne oppose aux feuilles mortes la métaphore de la mémoire comparée à un arbre où fleurissent les souvenirs:
Compagnons passants de la belle saison
Je ne vous oublie pas.
[...]
Les feuilles tombent
Mais l'arbre de ma mémoire est en fleurs.
En dernière instance, à travers le thème de l'automne, la poésie se manifeste comme parole résurrectionnelle. La parole poétique de Bernard Lacroix nous rappelle une évidence: si l'automne est la saison du deuil, de la mélancolie, cette saison passera, l'hiver, lui aussi, passera, le printemps et l'été reviendront. C'est pourquoi dans cet ultime Automne, le poète peut écrire:
Mes amours s'abreuvent
Dans la vulve du temps.
Élisabeth Bart-Mermin
Notes:
(1) L' expression "saison mentale" apparaît dans ce poème d'Apollinaire que je cite ici intégralement:
Signe
Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
Partant j'aime les fruits je déteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs
Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
Une épouse me suit c'est mon ombre fatale
Les colombes ce soir prennent leur dernier vol
Guillaume Apollinaire, Alcools
(2) Tous les poèmes de Bernard Lacroix cités dans cette note ont été publiés sur ce blog. Pour lire chaque poème cité intégralement, cliquer sur le lien (en orange)
22:22 Publié dans L'œuvre poétique de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : serge gainsbourg, l'automne dans la poésie, alcools de guillaume apollinaire, poèmes saturniens de paul verlaine | Imprimer |
dimanche, 03 décembre 2017
Arrière-saison
Un oiseau s'est posé sur le bord du temps :
S'il s'endort,
Il tombera dans le sillon avec les feuilles mortes,
Il deviendra motte de terre que le gel effacera.
Puis on plantera les gros choux rouges,
On les salera,
On les cuira avec des pommes de terre.
De la fumée s'échappera de la marmite...
Les gens diront :
− Qu'est-ce qui cuit,
Ça sent drôle?
− Du chou,
Répondra la cuisinière,
Du chou, tout simplement!
Alors,
Il n'y aura que la fumée
Pour se souvenir de l'étendue des labours,
Des vols mouillés,
Des vents épais,
Des brumes offertes,
Des grands cris perdus de la montagne.
Bernard Lacroix, Reflets oubliés.
Note: Le thème de l'automne est récurrent dans l'œuvre poétique de Bernard Lacroix, comme en témoignent les quatre poèmes que nous venons de publier, et les nombreux poèmes sur ce thème qu'on peut retrouver dans la catégorie "L'œuvre poétique de Bernard Lacroix" (colonne de gauche). Une étude de ce thème dans la poésie de Bernard Lacroix paraîtra prochainement sur ce blog. E.B-M
21:59 Publié dans L'œuvre poétique de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
mercredi, 29 novembre 2017
Automne
Photographie de Jean-Nicolas Bart
Je n'ai ni regrets ni envies,
Ni soifs, ni désirs non plus.
L'oubli me ronge sans douleur.
Il me reste les saisons:
Mes amours s'abreuvent
Dans la vulve du temps.
Bernard Lacroix, Reflets oubliés
07:30 Publié dans L'œuvre poétique de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
lundi, 27 novembre 2017
Fin d'automne
Bernard Lacroix, Paysage aux peupliers (Huile sur carton)
Sur le lointain douteux
Trois peupliers touillent les nuages.
De l'Automne
Il ne reste que des couleurs éparses.
Hier encore octobre rutilait.
Il a suffi d'un coup de vent
Pour que l'hiver,
D'un seul coup,
Étale sa morne uniformité.
Un oiseau muet regarde
L'haleine rassurante des labours.
Bernard Lacroix, L'herbier du temps
17:42 Publié dans L'œuvre poétique de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
samedi, 18 novembre 2017
Novembre
Photographie de Jean-Michel Lacroix
Je vais bientôt mourir.
Je ne te laisse rien :
Que deviendrait le ciel
Si les feuilles y laissaient leur trace?
Je marche :
Mais il y a d'autres pas que les miens.
Je parle :
Mais c'est une autre voix que tu entends.
Bernard Lacroix, Reflets oubliés
22:04 Publié dans L'œuvre poétique de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
jeudi, 12 octobre 2017
Portraits en pied, tome II, de Jean-Claude Fert
Nous avons déjà évoqué ici et là les sculptures de Bernard Lacroix sous le regard de Jean-Claude Fert. C'est un grand bonheur de les retrouver dans le dernier ouvrage paru, Portraits en pied, tome II, dont voici la préface:
Il est probable que mon regard sur les sculptures de Bernard Lacroix ne soit pas celui de tout le monde et même que des esprits malintentionnés l'assimilent à du détournement d'œuvres. À cette éventualité, je réponds : détourner de quoi? Je ne détourne rien, je constate. Ils me sautent aux yeux, ces petits gars ; ils imposent leurs titres. La preuve? Essayez de les changer, juste pour voir... Alors? Vous voyez bien que vous n'y arrivez pas parce qu'on ne peut pas changer, comme ça, pour rigoler, le nom des choses et des gens. Albert Camus a dit : " Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde" et ce n'était pas un imbécile, Camus!
Ce sont des portraits pris sur le vif. Assez souvent à l'insu de ceux qui ont posé. Un vrai travail de paparazzi. Qu'ils viennent seulement me dire qu'ils ne se reconnaissent pas! J'ai amassé suffisamment de preuves...
Ils peuvent me faire tous les procès du monde, je les attends de pied ferme.
Qu'est-ce qu'ils faisaient tous ensemble dans l'atelier de Bernard Lacroix? C'est le grand mystère. Comment n'ont-ils pas réussi à s'échapper? Ou plutôt, comment pouvaient-ils être là et sur France-Culture, là et à la télé, là et sur les pistes de ski, là et sur une île des Maldives? D'où leur vient cet incroyable et infatigable don d'ubiquité?
Et surtout, comment peuvent-ils avoir tous, eux si différents, le même géniteur?
Il fallait qu'il soit bigrement doué, ce père biologique pour engendrer une pareille faune.
Jean-Claude Fert
Quelques aperçus de cet ouvrage en vente à la galerie Fert:
Série "Figures sympathiques du terroir corse" : Yvan Pietri dit Presse-Purée
Série "Figures de la pensée contemporaine" : Michel Onfray
Série " La rentrée des classes" : Maman d'hyper actif se présentant à la maîtresse, son fils solidement coincé entre ses jambes
Série "Les drames de l'alcool": Alain Finkielkraut, nu comme un ver, chantant des chansons grivoises debout sur une table, à l'issue d'un banquet. ( portrait volontairement flouté)
Série "Les voisins" : Couple de procéduriers particulièrement chiants
17:53 Publié dans L'œuvre artistique de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sculptures de bernard lacroix, galerie fert yvoire, jean-claude fert | Imprimer |
jeudi, 14 septembre 2017
Journées européennes du patrimoine 2017
Exposition Découverte des collections départementales au conservatoire d'Art et d'Histoire d'Annecy
Dans le cadre des journées européennes du patrimoine, le conservatoire d'Art et d'Histoire d'Annecy exposera une sélection d'œuvres exceptionnelles issues des collections départementales d'archéologie, d'ethnologie — dont plusieurs pièces de la collection Bernard Lacroix — et de beaux-arts.
Des œuvres illustrant la jeunesse rythmeront les présentations. Un livret-jeu sera mis à la disposition du jeune public et des familles.
Entrée gratuite.
Samedi 16 et dimanche 17 septembre. De 10h à 18h.
22:49 Publié dans L'œuvre muséale de Bernard Lacroix | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
lundi, 11 septembre 2017
Anne-Françoise Lacroix présidente de l'association "Les amis de Bernard Lacroix"
Anne-Françoise Lacroix. Château de Chillon, août 2017.
(Photographie de Veronica Lacroix)
À l'issue de l'Assemblée Générale qui a eu lieu à Fessy, le 29 août 2017, Anne-Françoise Lacroix, nièce de Bernard Lacroix et sœur de Jean-Michel, a été élue à l'unanimité présidente de l'association Les amis de Bernard Lacroix.
13:45 Publié dans Association "Les amis de Bernard Lacroix" | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |
jeudi, 03 août 2017
Assemblée Générale 2017
Photographie de Jean-Michel Lacroix
L'Assemblée Générale de l'association Les Amis de Bernard Lacroix aura lieu le
Mardi 29 août 2017, à 20h30, salle de la mairie de Fessy.
Cette assemblée est ouverte à toutes les personnes intéressées par l'œuvre de Bernard Lacroix.
22:42 | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer |