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lundi, 29 février 2016

Le château de Buffavent, 2

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Le château de Buffavent à Lully (Haute-Savoie)

 

 

 

 

 

Rappel :

Le château de Buffavent, 1

 

 

Les propriétaires du château de Buffavent

 

 

Du XVe au XXe siècle, le château fut la propriété de quatre familles nobles, passant de l'une à l'autre par le jeu des alliances, au fil des successions. Au début du XXe siècle, faute d'héritiers directs, il est vendu une première fois, puis revendu deux fois jusqu'aux propriétaires actuels.

 

De 1460 à 1531, le château appartient à la famille de Langin.

C'est probablement François de Langin qui fit construire le château de Buffavent. Louis de Langin et son frère François, seigneur de Veigy, font le 13 juin 1460 un pacte de famille et d'affection mutuelle qui les engage, entre autres, à régler l'ordre de leur succession réciproque en cas d'absence de mâles dans l'une ou l'autre branche.

En 1461, Louis de Langin conduit 800 hommes d'armes à Chypre, envoyés par Louis de Savoie à son père, le duc Louis 1er de Savoie, époux d'Anne de Lusignan, fille du roi de Chypre*.

Si l'un des deux fils de Louis, Guigues, semble être le premier des Langin à avoir porté le titre de seigneur de Buffavent, c'est son frère, Philibert, co-seigneur de Buffavent, qui teste en faveur de ses sœurs Jeanne et Antoinette, selon un testament établi à Buffavent. Jeanne épousera Georges d'Antioche, baron d'Yvoire. Antoinette, cohéritière de Jeanne, épousera Aymon de Bellegarde et lui apportera le château de Buffavent.

 

De 1531 à 1640, le château appartient à la famille de Bellegarde.

Le château et le titre de seigneur de Buffavent appartiennent aux Bellegarde sur trois générations. Antoinette et Aymon de Bellegarde ayant eu deux fils et une fille, leur fils Claude-Urbain hérite de Buffavent. Il épouse Amable de Bellegarde ( sans doute une cousine) et meurt en 1571. Leur fils Pierre-Noël hérite de Buffavent par testament de sa mère en 1601. Marié à Jeanne de Montferrand, il meurt en 1640. Jeanne se remarie avec Scipion de Seyssel. Buffavent passe alors aux Seyssel.

 

De 1632 à 1760, le château appartient à la famille de Seyssel.

Scipion, seigneur d'Ambilly, co-seigneur de Compoix, se mariera quatre fois.

De sa première femme, de nom inconnu (probablement Béatrice de Blounay), il a une fille qui se mésallie en épousant un sieur de Favrat de Bellevaux, fort riche et considéré. Leur contrat de mariage est signé à Buffavent le 31 janvier 1644.

En deuxième noce, Scipion épouse Jacquemine Jaillet, fille d'une famille de Lucinge en Faucigny, veuve de Nicolas de Lucinge de Châteublanc. De ce second lit, naissent quatre enfants dont Louis de Seyssel qui devient seigneur de Buffavent par testament de Jeanne de Bellegarde, la troisième femme de son père, en mai 1650. Il a un fils et une fille de son second mariage avec Anne-Marie de Varax.

Son fils, Pierre-Louis-Scipion de Seyssel épouse en 1715 Catherine Prospère de Rodrette.

Sa fille, Françoise-Philippe de Seyssel épouse en première noce Balthazar de Genève et en deuxième noce , le 4 novembre 1716, Claude-Charles de Gerbois de Sonnaz. Par un premier testament, le 20 mars 1729, elle s'intitule fille d'Anne de Varax et laisse à son mari Claude-Charles de Gerbois de Sonnaz la seigneurerie d'Habère héritée de sa mère. Après avoir recueilli la succession de son frère Pierre-Louis-Scipion, elle fait un second testament, le 8 mars 1760, par lequel elle laisse à son mari la seigneurerie de Buffavent qui passe ainsi dans la Maison de Gerbois de Sonnaz. Les armes de cette alliance Gerbois-Seyssel se voient encore sur une boîte ancienne conservée au château de Chambéry, chez la comtesse de Sonnaz. Á l'intérieur de cette boîte sont deux cœurs avec cette devise: "Leur union fut éternelle".

 

De 1760 à 1922, le château appartient à la famille de Gerbois de Sonnaz.

Le fils de Claude-Charles Gerbois de Sonnaz et de Françoise de Seyssel, Janus, né en 1736, épouse en première noce Julie de la Balme de Montchalin, puis en deuxième noce Christine de Maréchal, fille de Jacques de Maréchal, comte de Salmon et d'Anne de Saint-Séverin. De leur union naissent trois enfants, Joseph, Madeleine et Hector.

La fille de Joseph, Joséphine de Gerbois de Sonnaz, épouse le 25 février 1851 le Baron Joseph-Melchior de Livet de Montchaux.

Hector meurt en 1867 et laisse deux fils, Albert et Joseph-Jean, qui rachètent Buffavent à leur tante la baronne de Livet.

Le comte Joseph-Jean de Gerbois de Sonnaz, général de l'armée italienne, sénateur au royaume d'Italie, demeurant à Rome, décédé sans testament le 7 avril 1905, laisse comme unique héritier Charles-Albert, également sénateur du royaume d'Italie et ancien ambassadeur à Rome. Á la mort de celui-ci, en 1922, sa veuve Marie Avogrado décide, en l'absence d'héritiers directs, la vente de Buffavent qui est alors racheté par les Vargnoz, et en 1943, par les Bernard.

 

Prosper Brébant et sa famille ont habité Buffavent jusque dans les années 80-90 comme fermiers.

Le château a été ensuite racheté par les propriétaires actuels, deux amis venant de Genève.

 

E. B-M

 

*Le lien étroit de vassalité (et sans doute d'amitié) entre les Langin, le duc Louis 1er de Savoie et son épouse Anne de Lusignan, explique la présence de la légende de Mélusine (à laquelle était liée la famille de Lusignan) au château de Buffavent. Nous y reviendrons dans une prochaine note.

 

(Á suivre...)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

lundi, 15 février 2016

Le château de Buffavent, 1

Fin mai 2015 à 11 novembre 2015 047.JPG

Le château de Buffavent, huile sur toile de Bernard Lacroix.

Photographie de Jean-Michel Lacroix

 

 

 

 

 

Le premier tableau que réalisa Bernard Lacroix représente le château de Buffavent, dans les années cinquante, époque où cet imposant édifice était devenu une ferme. Sur ce tableau, seules trois des quatre tours et une petite partie du toit  sont visibles, la végétation abondante dissimule en grande partie le bâtiment, d'où une impression de mystère qu'accentuent les couleurs froides dominantes, la touche épaisse, la montagne en arrière-plan. On songe au château de La belle au bois dormant ou à celui du Grand Meaulnes...

 

 

L'impression du visiteur aujourd'hui sera bien différente puisque Buffavent, restauré au cours des deux dernières décennies, a retrouvé son allure de "maison forte", demeure seigneuriale mi-habitation, mi -château fort, tel le palais de l'Isle, à Annecy, édifié au XIIe siècle. Situé à Lully, sur la route de Thonon à Annemasse, il a été construit au XVe siècle par François de Langin. 

En effet, ce château présente toutes les caractéristiques des "maisons fortes". Son plan est très simple : un quadrilatère flanqué de quatre tours. Á l'origine, il devait être entouré de douves comme en témoigne un ravin, au nord. Les ouvertures sont peu nombreuses, de disposition et de dimensions irrégulières. Certaines ont été visiblement agrandies. Sur la façade est, l'entrée est surmontée des armes de Langin. Sur cette façade, au-dessus de la porte de la cave dont les ferronneries massives ont été forgées à la main, une petite fenêtre à fortes grilles correspond à un siège de guetteur. De même, la façade ouest présente une fenêtre munie de grilles et sur la façade sud, une petite fenêtre jumelée a encore des sièges de guetteur. Les murs sont très épais : 80 centimètres pour le corps du bâtiment et jusqu'à 1m20 pour les tours qui font vingt-huit mètres de hauteur. Les quarante meurtrières sont de deux types : des archères à l'étage inférieur, deux par tour, ainsi que sous trois fenêtres au premier étage, et de nombreuses meurtrières dans les tours et dans les murs, à diverses hauteurs.

La tour sud-ouest, d'un diamètre plus grand que les autres, comporte dans la maçonnerie un canal ayant dû servir de communication entre la plate-forme et la cave.

Sous Claude-Urbain de Bellegarde, le château fut assiégé et bombardé par les Genevois en 1590. Á la Révolution, il fut découronné et subit de nombreux dommages.

 

E.B-M

(à suivre...)

 

 

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Le château de Buffavent aujourd'hui. Classé monument historique en 1944.

 

 

 

samedi, 06 février 2016

L'eau, 2

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Le lac Léman vu de l'intérieur du château de Chillon*

(Photographie de Jean-Nicolas Bart)

 

 

 

 

Rappel :

L'eau éternelle

L'eau,1

 

 

Nos lacs

 

 

Pour ce qui est des lacs, nous sommes gâtés : le lac d'Annecy, le lac Léman, le lac du Bourget et d'innombrables lacs semés dans les massifs comme des poignées d'émeraudes. Les touristes connaissent bien les trois grands, ceux d'en bas, beaucoup moins ceux d'en haut, récompense du marcheur amoureux du silence et des randonnées solitaires. Quand le soir viendra, il ne se lassera jamais de contempler le grand final de ce spectacle unique qu'est la tombée de la nuit sur les lointains embrasés, l'abandon glorieux d'un soleil combattant jusqu'au dernier petit rayon, devant les falaises revêtues de parures aussi somptueuses qu'éphémères, témoins impassibles et blasés de joutes où le vaincu du soir sera le vainqueur du matin.

 

Les lacs attirent les poètes, c'est bien connu. Rousseau,  Lamartine, Byron*, Anna de Noailles... fréquentèrent nos rivages et se laissèrent aller à des envolées d'un lyrisme débridé. Si l'eau éteint le feu, elle attise l'inspiration et enflamme l'imagination. Elle a un effet contraire sur l'organisme de l'indigène riverain qui, pour excuser son indolence, évoquera son côté sédatif, il appelle ça : "la molle du lac". Mais cette dernière n'altère en rien la réflexion et la prédisposition naturelle de tout un chacun au romantisme, même s'il semble de nos jours bien anachronique. Un coucher de soleil est encore un gros succès populaire avec ses couleurs pas toujours de bon goût, ses relents de frites estivales, ses vents sucrés, ses feux de rampe dignes de l'Alcazar. Et puis ça ne coûte rien.

Les plus beaux couchers de soleil se dégustent en novembre-décembre, quand le ciel s'est débarrassé des brumes de chaleur qui font un écran à sa limpidité. Le spectacle est court mais grandiose. Une petite bise acide chassera vos nostalgies jusqu'au bistrot dont on devine la lueur sur le quai désert. Alors, en fermant les yeux et avec un peu d'imagination, pour peu qu'un accordéon soit lui aussi de passage, vous aurez la délicieuse impression de jeter l'ancre dans un bouge de Hambourg, Amsterdam ou Valparaiso... Il n'est pas défendu de rêver.

 

 

Bernard Lacroix, Mémoire des jours (Bias, 1990)

 

 

* C'est le château de Chillon qui a inspiré à Byron ( 1788-1824), l'une des figures de proue du Romantisme, son poème Le prisonnier de Chillon.

 

 

mercredi, 27 janvier 2016

L'eau,1

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Rappel:

L'eau éternelle

 

Nos rivières

 

Nos rivières ne se prêtent pas aux rêveries romantiques. Primesautières, elles inspirent plutôt la méfiance. Le torrent est mal élevé par la force des choses. Peut-il faire autrement? Il a si peu de temps pour se calmer et puis il est bruyant. Son langage est bien loin des gazouillis racoleurs des eaux plates que nuls pentes ou rochers n'excitent. Mais quand le soleil peut se frayer un chemin jusqu'à lui, son haleine s'irise, transfigurant tout ce qui pousse alentour. La truite est son amie. Sportive, elle s'accommode fort bien des sautes d'humeur de son singulier logeur. Patiente quand il le faut, elle attend ses proies à l'ombre des pierres moussues pour les prendre d'un seul coup de sa bouche énorme.

 

 

 

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Le bachal

 

Quelle que soit la saison, quel que soit le temps, quel que soit le jour, l'étroit filet d'eau insiste. On pourrait dire fidèle comme la source rythmant le silence du hameau abandonné. Les hommes, eux, sont partis. L'essentiel peut devenir inutile. La source ne cherche pas à comprendre ce mystère ; elle est là, tout simplement, et parce qu'elle ne comprend pas, elle demeure.

 

Nos eaux ne sont pas calmes ; ce n'est pas de leur faute. Dans un pays heurté, elles n'ont pas le choix. Le torrent charrie rocs, troncs, galets, jusqu'au grand lac plus bas où d'autres eaux l'accueillent ; puis le Rhône, et la mer. Adieu glaciers hiératiques, neiges insistantes... Adieu bouquetins chamailleurs, chamois versatiles, chèvres sentimentales... Adieu lys martagons, sabots de Vénus, ancolies... Adieu pays où les cloches sonnent encore le soir et où les chalets sont dorés comme des pains bénits.

 

 

Bernard Lacroix, Mémoire des jours (Bias, 1990)

 

 

Photographies de Robert Taurines

 

 

 

samedi, 09 janvier 2016

Hommage de Graziella Parenti à Bernard Lacroix

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Bernard Lacroix au piano, son frère Gilbert à la guitare, au Casino d'Évian. Archives de la famille Lacroix.

Année 1952 ou 53, époque où Graziella Parenti fait la connaissance de Bernard Lacroix.

 

 

 

 

 

Lorsque j'ai connu Bernard, nous avions 18 ans tous les deux. J'avais été subjuguée par sa chevelure blonde et bouclée et son sourire malicieux. Il m'avait invitée chez lui et s'était mis à jouer de la scie musicale : quelle merveille pour moi qui connaissais plutôt la musique orientale!

Sa sœur Marie-Christine m'a parlé de lui enfant : alors que ses pieds touchaient à peine les pédales de l'harmonium de son grand-oncle, déjà ses doigts voltigeaient sur les touches avec habileté. Il avait le don de la musique, qui ne l'a jamais quitté.

 

Á la mort de ma mère, sa famille et lui m'ont gentiment proposé de faire partie de l'Association du Musée Paysan de Fessy, et là j'ai découvert encore d'autres dons de Bernard : il a créé ce musée dans la maison de sa grand-mère, infatigable collectionneur, il y a réuni un nombre impressionnant de vieux objets qu'il avait répartis dans différentes pièces, recréant ainsi épicerie, atelier du sabotier, du tisserand, chambre à coucher, cuisine etc... Il a également présenté d'autres objets par thèmes : objets de toilette, outils du boucher, outils agricoles, ustensiles divers tels que plaques à beurre décorées, faisselles, tamis, moulins à café, fers à repasser... Il y avait là des choses extraordinaires : le botacul du fermier pour équiper son derrière de façon pratique sinon élégante afin de traire ses vaches, le virolet pour caser le bébé et libérer sa maman, le merlin qui assurait une mort rapide et sans bavure aux porcs, l'immense baquet où conserver la viande au sel, et dans un coin, bien mise en évidence, une belle balle de colporteur (sorte de petite armoire en bois).

J'imagine la joie des personnes voyant arriver le colporteur avec sa balle sur le dos, pleine de trésors : dentelles, boutons, rubans, laine, fil, aiguilles, bijoux en or, en argent, montres, couteaux etc...etc.

Au musée, chaque visiteur pouvait trouver son content dans ce "capharnaüm" bien organisé, si propre à susciter curiosité, surprise et émotions.

 

Je me souviens des fêtes que nous faisions chaque été où Bernard réunissait tous les gens du village et des alentours. Il faisait revivre les métiers d'autrefois : la fileuse à son rouet, la tisserande ( sa maman qui tissait sur le vieux métier), le forgeron, le joueur de piano mécanique nous régalant des airs d'antan, le sabotier et tant d'autres. Le cor des Alpes nous charmait de ses sonorités émouvantes tandis que nous partagions bugnes, beignets, soupe arabe et buvions cidre, rosé et gnôle du coin! Que de bons souvenirs!

 

Non seulement Bernard a fait œuvre de collectionneur, il a fait également œuvre de créateur à partir de vieux objets au rebut. Avec l'aide de Roger Chatelain, son ami bricoleur avisé, il les a assemblés avec art, leur redonnant ainsi une âme : un fer à cheval et voilà un chat avec une poignée de vieille marmite en guise de queue : quelle grâce! Une bêche, un anneau, et miracle, voilà une Vierge Marie!

Outre le fer à souder, Bernard a manié les pinceaux pour réaliser des tableaux tantôt figuratifs, tantôt abstraits, aux couleurs chaudes et lumineuses.

Ses peintures de paysages m'ont toujours fait rêver.

Dans ses tableaux, nous pouvons souvent voir des pommiers − sa sœur m'a confié un jour que ces arbres étaient chers à leur père, Bernard le faisait revivre ainsi.

Chaque année Bernard éditait un Cahier du musée, où il rédigeait avec talent et humour des Notes et anecdotes sur la vie quotidienne dans le Chablais d'autrefois, agrémentées de dessins très enlevés, il avait l'art de croquer à la plume. Il croquait tout aussi bien à coups de mots : avec des mots de tous les jours choisis avec sensibilité, il créait des poèmes-tableaux tout en délicatesse et en justesse, expression de son moi profond.

 

Bernard, ami musicien, plasticien, poète, chroniqueur, artiste à mille facettes et beau sourire, transmetteur de savoirs, tu nous as enchantés et tu nous enchanteras toujours.

 

Graziella Parenti*

 

 

* Allocution prononcée au cours de l'assemblée générale de l'association "Art et connaissance", le 14 décembre 2015, au château de Ripaille à Thonon-les-Bains. Membre de cette association créée par le poète, sculpteur et peintre Bernard Christin, Bernard Lacroix avait donné une conférence au château de Ripaille dont nous avons publié plusieurs extraits. (Voir ici)

 

 

 

 

 

mardi, 05 janvier 2016

Bonne année 2016!

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Bernard Lacroix, Première neige, Huile sur carton, 40x32

(Photographie: catalogue de l'exposition du Conservatoire d'art et d'histoire d'Annecy, 2001)

 

 

 

 

L'année 2015 est passée et nous sommes tentés de la couvrir des couleurs du deuil : deuil de Bernard Lacroix et de son cousin Joseph pour notre association, deuils tragiques pour notre pays, avec les attentats de janvier et novembre.

Mais l'œuvre de Bernard Lacroix − sa peinture, chant de couleurs et de formes, ses sculptures pleines d'humour et de fantaisie, sa poésie limpide et lumineuse − , nous invite à la joie, envers et contre tout, et d'abord contre la barbarie. C'est là tout le mystère de l'Espérance sans laquelle la création artistique, littéraire, musicale, serait impossible. Même quand l'Espérance est enfouie au plus profond des œuvres apparemment les plus désespérées, l'artiste crée pour surmonter le désespoir, le découragement, pour rester vivant. 

 

Que l'An Neuf, avec ses premières neiges, nous redonne à tous un regard d'enfant!

 

Élisabeth Bart-Mermin

 

jeudi, 24 décembre 2015

Minuit à Bethléem

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Frederico Barocci, Nativité (1597)

 

 

 

 

Rappel :

Noël ou le mystère de l'Incarnation dans la poésie de Bernard Lacroix

Noël autrefois, en Chablais

Les yeux des tarines, conte de Noël

Pour Noël, la recette des rissoles chablaisiennes

 

 

*

 

 

Bernard Lacroix aimait Noël comme en témoignent les nombreux textes publiés sur ce blog, où nous retrouvons l'enchantement des Noëls d'autrefois et surtout la signification profonde de cette fête chrétienne. Il a vécu son dernier Noël, en décembre 2014, près de la crèche qu'il avait installée dans sa chambre, à la maison de retraite, que Claude Detraz évoque ici .

Nous sommes loin d'avoir publié tous les poèmes de Bernard sur le thème de Noël, il en reste pour les années à venir! Voici celui de 2015.

 

 

*

 

 

Minuit à Bethléem,

Personne n'y pensait

Au Vendredi, au calvaire,

Tout le monde disait

Qu'on n'avait jamais vu

Une maman si jolie.

 

Minuit à Bethléem,

Personne n'y pensait

Au Vendredi, au calvaire,

Tout le monde disait

Qu'on ne verrait jamais

Si jolie maman pleurer.

 

 

Bernard Lacroix, Au vent mûrieux

 

 

Joyeux Noël à tous!

vendredi, 18 décembre 2015

Le cochon, 2

 

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 Rappel :

Le cochon

 

 

Dans le cochon, tout est bon! On gardera le nombril pour graisser les scies, les soies se feront pinceaux, la vessie deviendra blague à tabac...

 

 

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Pourtant ma mémoire d'enfance n'arrive pas à oublier les cris épouvantables, le sang giclant par intermittence que des mains de femmes, allez savoir pourquoi, agitaient dans un grand seau.

 

 

Bernard Lacroix, Mémoire des jours, ( Éd. Bias, 1990)

 

 

 

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Photographies de Robert Taurines

 

 

 

 

 

samedi, 12 décembre 2015

Le cochon

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Croquis de Bernard Lacroix, extrait de Croquis minute

 

 

 

 

En Savoie, c'est presque un sacrifice rituel que celui du cochon. La bonne période est de novembre à février, autour des Fêtes. On a retenu pour le grand jour une bête qui pèse entre cent et cent-cinquante kilos et le charcutier, bien sûr, un paysan qui fait ça pour mettre un peu de beurres dans les épinards.

 

La veille, on a acheté les épices et les ingrédients nécessaires à la fabrication de la charcuterie et à la conservation de la viande : poivre en grains, sel, salpêtre, oignons, ail, laurier, thym, cumin, marjolaine, noix muscade, cannelle...

 

De bonne heure, on a mis l'eau à chauffer dans la grande chaudière de fonte. Elle servira à ébouillanter le porc dans le "vassé" pour mieux le raser, pour nettoyer les abats sanguinolents, les boyaux qui serviront à la confection des boudins, des saucisses. Les voisins viendront aider à maîtriser le pauvre animal qui, après avoir été assommé à l'aide d'une hache ou d'un merlin, sera saigné bien vivant, mais sûrement pas sans peine. Le sang est recueilli dans un seau et brassé vigoureusement pour éviter qu'il se coagule. Avec le sang on fera les boudins, préparation délicate, un tant soit peu coûteuse car le boudin savoyard se fait avec du beurre et de la crème.

 

Une fois soigneusement pelé, le cochon est retiré du "vassé" et étendu à plat sur une échelle. On retire les abats, on nettoie proprement l'intérieur de l'animal puis on le laisse tranquillement égoutter, l'échelle redressée cette fois-ci contre le mur de la ferme.

 

Saucisses, boudins, atriaux ( pâtés d'abats) sont assaisonnés au goût du charcutier, ce qui fait dire parfois, quand ils sont trop épicés, que ce dernier a un tant soit peu "caressé la chopine". Á la fin de la journée, il ne sait plus très bien où il en est. J'en ai connus qui étaient saouls avant de commencer leur journée, ce qui donnait lieu à des péripéties qui alimentaient la chronique hivernale : combien de gorets se sont sauvés à moitié saignés, combien d'autres se sont réveillés au contact de l'eau chaude. On disait d'un charcutier peu adroit que son cochon criait encore quand il hachait la viande à saucisse.

 

La coutume était de porter aux voisins et au curé, un petit rôti, quelques boudins et atriaux. Les voisins ne manquaient pas d'en faire autant à leur tour, ce qui fait qu'en hiver, on avait toujours une petite réserve de charcuterie fraîche dans un coin. Le dimanche qui suivait, on invitait les amis et la famille pour un grand banquet : le dîner du cochon. Á vrai dire, après les politesses et le repas de fête, il ne restait plus grand chose de la cochonnaille. Heureux temps où les gens aimaient partager, passer de bons moments ensemble !

 

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°3 

samedi, 05 décembre 2015

L'hiver

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Le givre.

Les choses deviennent enfin ce qu'elles sont. Sur ce subtil camaïeu, l'hiver pose le pur argent de son givre. C'est la touche du maître, le coup de pinceau final qui fait le chef-d'œuvre. L'hiver a du génie, qui l'eût cru?

 

 

La neige vient par petites touches, un peu de blanc par-ci, un peu de blanc par-là. On dirait qu'elle fait des manières : elle part, revient, tournicote... au gré des vents hésitants de novembre. La nature résignée s'abandonne. Il y a encore des feuilles tenaces, des petits cris furtifs ; des bruits intimidés s'éloignent, des ombres complices s'affairent... L'hiver, en vieux célibataire, veut vivre seul. Tout le monde l'a compris.

 

 

Bernard Lacroix, Mémoire des jours ( Éd. Bias, 1990)

 

 

 

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Photographies de Robert Taurines