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vendredi, 12 septembre 2014

Le cidre

Pommes_à_cidre.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis de ceux qui déplorent la disparition inéluctable des vieilles variétés d'arbres à cidre qui donnaient, outre leurs fruits savoureux, les plus belles fleurs du printemps et les plus riches couleurs de l'automne. Á cela deux raisons : les arbres arrivés au bout de leur longue vie, le cidre remplacé sur les tables et dans les tonneaux par les vins et les apéritifs. Disparus aussi, par le fait, les bois fruitiers appréciés par les amateurs de beaux meubles.

 

Dans nos vergers, le long de nos chemins, croissaient de nombreuses espèces de ces arbres dits sauvages. Les poiriers, souvent de grande taille, à la forme triangulaire, les basses branches étalées, se rétrécissant jusqu'à la cime pointue. Leurs fruits portaient des noms typiquement locaux puisqu'il ne s'agissait pas d'espèces officielles :

 

- Les poires maudes (aux fruits gros, lourds, sucrés et juteux)

- Les blessons (sucrés et vite blets d'où leur nom)

- Les vouargnes

- Les normands (au goût âcre et à la chair dure, pour la conservation et

  la limpidité du liquide)

- Les crottes

- Les rossalettes

- Les ducas

 

Les pommiers, de taille plus modeste, à la frondaison semblable à une

chevelure, à la végétation compacte et aux bas rameaux pendants :

 

- croésons de Boussy

- croésons rouges

- croésons de Barsiron

- croésons de Langin

- croésons blancs

- barrolées (vertes striées de rouge)

 

 

Pommes et poires étaient mélangées avec soin selon un dosage qui faisait, par exemple, que le breuvage était plus ou moins limpide, de courte ou de longue conservation... Si les enfants se délectaient du cidre doux sortant du pressoir, sans songer un instant aux conséquences pourtant prévisibles de leur gourmandise, on attendait qu'il "pique" pour le boire, c'est-à-dire au début de la fermentation. Après quoi il trouvait sa vraie nature : plus ou moins clair, plus ou moins acide, plus ou moins âcre, suivant le choix des espèces, leur qualité, l'état des tonneaux et le soin apporté à sa fabrication.

 

Une fois fait, on le transportait dans la cave avec une brinde ou brande, sorte de hotte à douves cerclées de bois et on le versait dans le tonneau à l'aide d'un grand entonnoir : le collieu.

 

 

    Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°5

                     

 

 

mardi, 09 septembre 2014

Le sentier

 

l'herbier du temps

Mont d'Hermone, juin 2014

(Photographie JN Bart)

 

 

 

 

Je n'ai pas retrouvé le sentier

Qui menait aux granges des bois.

Il faut croire

Que tous ceux qui l'empruntaient

Sont morts.

La forêt avide a repris son bien.

 

Dans mes jeunes années,

J'y laissais inconsciemment mes traces.

Les vaches y paissaient elles aussi :

Là haut,

Leurs cloches rassurantes

Parcouraient les étés clairs.

Il y avait aussi

Des bruits de seaux et d'eau joyeuse...

 

Je pense à vous

Mes amis des sentiers disparus :

Bêtes et gens,

Visages et cornes confondus,

Partis pour l'ultime "remue",

Restés en haut pour toujours.

 

 

Bernard Lacroix, L'herbier du temps

samedi, 06 septembre 2014

Projet européen Traditions actuelles


Vidéo du Conseil Général de la Haute-Savoie (culture cg74)

 

 

 

 

Cette vidéo présente le Projet européen Traditions actuelles, réalisé de 2009 à 2011 qui avait pour objet la préservation et la transmission du patrimoine alpin. Le Conseil Général de la Haute-Savoie a participé à ce projet notamment par la valorisation des collections Bernard Lacroix et Jean-Marc Jacquier.

Nous retrouvons donc ici nos deux collectionneurs :

Bernard Lacroix : 6'41 à 8'45

Jean-Marc Jacquier : 8'45 à 11'30.

La vidéo s'achève sur l'image de Bernard Lacroix peintre, dans son atelier.

jeudi, 04 septembre 2014

Rencontre avec deux collectionneurs, Bernard Lacroix et Jean-Marc Jacquier


Vidéo du Conseil Général de la Haute-Savoie (Culture cg74)

 

 

 

Bernard Lacroix et Jean-Marc Jacquier évoquent ici les origines des collections qu'ils ont constituées et certaines caractéristiques de la vie quotidienne des habitants des Alpes. Je reviendrai ultérieurement sur ces deux remarquables collections ethnographiques qui ont fait l'objet d'une superbe exposition réalisée par le Conseil Général de la Haute-Savoie et  intitulée La fabrique du quotidien, au domaine de Rovorée La Châtaignière, en 2011.

 

Élisabeth Bart-Mermin

 

 

 

 

 

vendredi, 29 août 2014

Où vont-ils?

des paysages des saisons des jours des heures

Où vont-ils? Huile de Bernard Lacroix

 

 

 

 

Qui sont ces deux là?

Où vont-ils?

Qu'importe...

Ce qui est sûr

C'est qu'ils sont heureux :

il y a du bleu partout

et du vent tout autour.

Le bonheur tient

fermement la barre.

Après tout,

dans la vie

le bonheur sait-il vraiment

où il nous mène?

 

 

Bernard Lacroix, Des paysages, des saisons, des jours, des heures... (Peintures et poèmes, 2014)

dimanche, 24 août 2014

Notre langage

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Une certaine manière de dire les choses encore fréquente dans le Chablais, des expressions dans lesquelles se sont glissés des mots issus du patois, constituent ainsi une sorte d'argot local.

 

C'est plus le moment de traîner par les chemins. Je vais me "réduire" (rentrer chez moi) avant que le "cru"  (le froid) me tombe dessus!

 

Le vieux Pierre a mis la "folero" parmi ( petit accès de folie)sa femme n'a pas fini de s'en voir, après, il est tout "capot" (honteux).

 

Je veux bien te prêter ma corde mais fais attention, elle a des "apponces"(épissures) partout!

 

Il faut que je change ma bagnole : c'est plus une voiture, c'est un "traclet"(épave).

 

Qu'est-ce qu'il est difficile, ce gamin, il "chapote" (trie) tout ce qu'il a dedans son assiette!

 

Je vais acheter une bonne bouteille de vin et je dirai à l'épicière de me la "plier" ( envelopper) car je veux l'offrir à Jean qui est à l'hôpital.

 

Ces sacrés chats, ils sont toujours après nous, ils nous grimpent contre!

 

Et ton mari, comment ça va?

Oh, depuis son accident il "péclote" (végète), il est long à se remettre!

 

Les enfants sont de plus en plus "deyis" (pénibles), on n' a pas fini de se "comparer" (compliquer l'existence) avec eux!

 

Je ne te dis pas de venir boire un verre, ma femme est en train de "panosser" (récurer) la cuisine, ça la rend "grinche" (de mauvaise humeur).

 

Tu boîtes, Fernand?

Et bin oui, je me suis "encoublé" (entravé) après le trident qui traînait dans la grange.

 

Marie, tu ne crois pas que ton gamin a attrapé une "traîne" ( épidémie)? Il est tout "engrobné" (recroquevillé) dans sa poussette.

 

Oui, ça fait deux jours qu'il "gonve" (couve) quelque chose, il va falloir que je le mène au docteur.

 

Ton mari est là?

Oui, il est en train de "bricater" ( bricoler)derrière la maison.

 

Ma belle-fille est gentille, mais elle ne sait pas s'occuper de son ménage, elle est trop "braque" (dispersée).

 

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n° 4.

 

mercredi, 20 août 2014

Soleil

des paysages des saisons des jours des heures

Soleil du matin, huile de Bernard Lacroix

 

 

 

 

Le soleil du matin prend ses aises, partage en deux le village étonné, donne des couleurs à l'ombre, puis part se reposer. Le village s'anime, portes et volets vont s'ouvrir, libérant l'école des enfants, en pèlerine, capuchon et écharpe de grosse laine.

Dans les étables, on donne la première fourchée de foin au bétail : partout des bruits de seaux, de sabots, de brouettes, l'immuable quotidien, la vie qui s'enroule autour du jour et des saisons.

Petit à petit, les chandelles s'éteignent, les feux se calment, la nuit s'en va, avec son plein de rêves.

Il reste un morceau de jour derrière la montagne :

il fera beau demain.

 

 

Bernard Lacroix, Des paysages, des saisons, des jours, des heures... (2014)

vendredi, 15 août 2014

Un pèlerinage aux Voirons au XVIIe siècle

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Un pèlerinage aux Voirons, gravure du XVIIe siècle commentée par Bernard Lacroix ci-dessous.

 

 

 

 

Une illustration naïve et savoureuse d'un pèlerinage autrefois. Á celui des Allinges, par exemple, il y avait toujours une buvette très appréciée et très fréquentée par les hommes, bien sûr, qui y passaient plus de temps que pour les dévotions, laissant aux femmes le soin de prier pour les autres et pour eux.

 

Autour du prieuré, le cortège des pèlerins précédé par les pénitents, les sonneurs de cloches, les bannières et le clergé. Un mini-marché avec des femmes proposant des légumes de leur jardin.Une table très animée où l'on festoie joyeusement. Un mulet courbé sous la charge des lourds tonneaux de cidre et de vin. Deux ermites seuls bien à l'abri de la clôture. Tout en haut la Vierge semble protéger le lac et ses rives. Un Léman bien agité d'où émergent des têtes et des bras de naufragés levés vers ce que l'on appellerait de nos jours une vedette de sauvetage qui se porte à leur secours. L'orthographe approximative du nom des villes limitrophes.

 

 

Bernard Lacroix, Les cahiers du musée n°8

 

 

 

lundi, 11 août 2014

Le moulin des Esserts et le Foron

 

moulin des esserts, foron, baie d'excenevex

Le moulin des Esserts, 2

(Photographie Hubert Le Goff)

 

 

 

 

 

Reste-t-il "des choses blotties dans les recoins du temps, à jamais" ,  comme l'écrit Bernard Lacroix? D'une génération à l'autre, certaines de ces choses semblent irrémédiablement perdues, telle la limpidité du Foron, ruisseau de la forêt de Planbois, qui alimentait le moulin des Esserts.

 

 

 

Lorsque j'étais petit, les gens du coin le nommaient "moulin d'Essert", ce qui m'avait laissé penser que c'était le moulin des cerfs, et j'allais souvent "planquer" pour y surprendre ces grands animaux. Cela m'a valu d'y découvrir des loutres, avec lesquelles j'étais en compétition pour attraper les vaillantes truites farios, nées dans ce torrent. Merveilleux souvenir que ces loutres, non seulement pas effarouchées de ma présence, mais plutôt curieuses, au contraire, jouant volontiers à cache-cache et m'observant de derrière un arbre ou un rocher.

C'est un trésor sans nom, ce que la Nature peut offrir à un enfant.

J'ai vu aussi des biches, ainsi que beaucoup d'autres créatures, dans ce qu'on appelait alors "les bois d'en bas", par opposition aux "bois d'en haut" de la chaîne des Voirons.

 

 

Aujourd'hui...

 

 

Pauvre moulin des Esserts, et surtout, pauvre Foron, dans lequel dix-sept communes ont déchargé leurs immondices pendant des années, sans parler des tonnes de plomb du ball-trap sédentaire situé à une portée de fusil.

Tout ça finit, de nos jours encore, dans la baie d'Excenevex, dont l'eau n'est pas renouvelée par le Rhône, ce qui en fait la seule plage de sable du Léman. De grâce, ne baignez pas vos bambins dans ce bouillon...

 

 

Jean-Michel Lacroix

mercredi, 06 août 2014

A jamais

moulin des esserts

Le moulin des Esserts à Lully

(Photographie Hubert Le Goff)

 

 

 

 

 

J'ai retrouvé le vieux moulin des Esserts

Où nous allions si souvent jouer

Au bord du Foron.

La grosse pierre est toujours là,

Au milieu de la rivière.

Tu t'y asseyais pour rire,

Je riais à mon tour

De ton visage par l'eau déformé.

 

J'ai senti,

Tout à coup,

Quelqu'un qui s'approchait.

J'ai fermé les yeux comme si tu allais

Y mettre tes deux mains et me dire :

– Devine?

 

Il doit rester de la jeunesse

Des choses blotties dans les recoins du temps :

Un bout de robe blanche,

Un ruban défait,

Des miettes de dimanche qui attendent

Que les souvenirs les délivrent soudain

Et qui s'en vont de l'autre côté de la vie,

 

Á jamais!

 

 

Bernard Lacroix, Reflets oubliés